Joseph Ki-Zerbo

L’historien burkinabè est décédé le 4 décembre à Ouagadougou. Il avait 84 ans.

Publié le 12 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Joseph Ki-Zerbo nous a quittés. Je peux affirmer que je l’ai connu. À la manière d’un enfant qui se fait tout petit face à une icône. Une rencontre inattendue durant laquelle on n’a plus qu’un souci : apprendre vite, ne rien perdre du bonheur que procure l’instant magique d’une relation intellectuelle avec un personnage important, imposant.
C’était en juin 2003. Aimé Césaire, le poète martiniquais, allait célébrer ses ?90 ans. Une amie éditrice a eu l’idée d’organiser des manifestations à Bamako, au Mali, pour un hommage mérité. Et j’ai été chargé de contacter certaines personnalités pour des contributions à publier dans un volume consacré à Césaire. Très vite, j’ai pensé à Joseph Ki-Zerbo. Peut-être parce que, à l’instar des poètes de la négritude, il était lui aussi, dans sa spécialité, l’histoire, un pionnier. Et je l’ai appelé. Au téléphone, sa voix était faible, de cette faiblesse imposée par la nature à un homme au soir de sa vie. J’étais intimidé. Je lui ai exposé l’objet de mon appel. Il m’a donné son accord en précisant qu’il lui faudrait un peu plus de temps à cause de ses activités parlementaires. Rendez-vous en septembre. Et puis, un jour, je reçois un texte dactylographié intitulé « Aimé Césaire ou la négritude militante ». Trois choses me frappent : la profondeur de l’analyse, la justesse du regard, la saveur des mots. Un mélange de rigueur scientifique et de sagesse populaire. De Césaire, il disait : « Nous l’avions d’emblée identifié comme l’un des nôtres, comme marqué de scarifications claniques au plus intime de la conscience ; mais aussi à la manière dont il poussait le grand cri nègre jailli de la forêt des masques. Prince des lettres, maître du cogito cartésien et de la dialectique, il l’était aussi de la maïeutique magicienne du verbe qui introduit au haut savoir, depuis les scribes et les officiants des temples de Thèbes et de Memphis » (voir Césaire et Nous, une rencontre entre l’Afrique et les Amériques au XXIe siècle, Cauris éditions, Paris, 2004).
En janvier 2005, me trouvant à Ouagadougou, je m’empresse d’aller voir Ki-Zerbo pour lui annoncer une bonne nouvelle : un projet de livre pour lui rendre hommage. Me voici dans sa maison de la capitale burkinabè. Le vieux est très fatigué, mais son esprit reste vif. Il accueille avec bienveillance ma proposition. De temps en temps, il quitte le salon pour rejoindre, dans une pièce voisine, des membres de son parti avec lesquels il prépare le prochain congrès. Car il a décidé de passer la main. Ce sera chose faite quelques semaines plus tard.

Historien et homme politique, né en 1922, agrégé d’histoire, Ki-Zerbo est avant tout l’auteur d’Histoire de l’Afrique noire : d’hier à demain, paru chez Hatier en 1978. Un travail de pionnier. Il a également dirigé Histoire générale de l’Afrique, publié par l’Unesco. Panafricaniste convaincu, il n’hésitera pas à quitter la France, où il enseignait, pour aller se mettre au service de la Guinée indépendante. Fondateur du Parti pour la démocratie et le progrès/Parti socialiste (PDP/PS), il appartient à cette race qui porte les rêves et les utopies sans jamais se renier. Dans les années 1980, des désaccords avec le régime de Thomas Sankara le poussent à prendre le chemin de l’exil. ?Il ne revient au bercail qu’en 1992. Sa carrière politique se résume, finalement, au combat parlementaire. C’était surtout un homme intègre, modeste. Il avait une vision pour le destin de l’Afrique. Et il s’était battu pour la revalorisation de nos cultures piétinées.
Appartenant à une génération qui a appris à honorer les anciens, deux mots me traversent l’esprit dans cet hommage à Joseph Ki-Zerbo : fidélité et respect. Et pour le livre qui n’a pas vu le jour, mes regrets éternels.

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