[Chronique] #YorubaIsNotForSale : touche pas à ma culture !

Le mot « yoruba » peut-il être considéré comme une marque commerciale déposée ? Les internautes s’insurgent contre une ligne britannique de vêtements…

 © GLEZ

Publié le 27 mai 2021 Lecture : 2 minutes.

Si les chantres – souvent occidentaux – de la mode ethnique aiment puiser, jusqu’à l’appropriation culturelle, dans les us, coutumes et codes graphiques ancestraux de régions jugées exotiques, l’emploi commercial de certains noms à caractère « identitaire » peut poser problème. Les offices de la propriété intellectuelle mettent en garde, par exemple, les marques qui empruntent des désignations géographiques. Pour nommer une eau minérale du nom d’une commune de Haute-Savoie, mieux vaut contacter le maire d’Évian-les-Bains. Et pas question de qualifier un vin effervescent de « champagne » – même si ce n’est pas la marque – si vous le produisez en dehors de la région du nord-est de la France…

Les gardiens britanniques de la propriété intellectuelle n’ont-ils pas été assez sourcilleux ? La loi est-elle ambiguë ? Ou pense-t-on moins nécessaire de protéger le vocabulaire d’origine africaine ? Il y a quelques jours, la propriétaire nigériane d’une organisation culturelle londonienne tentait de protéger l’expression « Yoruba Stars », qui désigne son programme d’enseignement de cette langue du groupe yoruboïde. Gbemisola Isimi constate qu’une ligne de vêtement britannique avait, dès 2015, entrepris des démarches auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni, pour que « Yoruba » soit reconnu comme sa marque déposée de commerce. Après s’être opposée à l’enseignante nigériane, l’entreprise du secteur textile du nord-ouest de l’Angleterre lui proposera d’acheter la marque…

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L’affaire s’ébruite et Twitter bruisse rapidement d’une indignation non dénuée d’allusion aux origines « ethniques » des Britanniques propriétaires de la marque. Le hashtag #YorubaIsNotForSale (« yoruba n’est pas à vendre ») apparaît. Sans emboucher la trompette de la racialisation ou de la décolonisation des esprits, Gbemisola Isimi rappelle aux journalistes de la BBC que « le yoruba n’est pas qu’un mot, c’est un peuple, une religion, une langue parlée par plus de 50 millions de personnes dans le monde entier, pas seulement au Nigeria ».

Récupération commerciale

Certes, assimilé à un gentilé, le mot « yoruba » peut-être formellement considéré comme un nom commun –à la différence du nom propre « Évian »– et comme une dénomination dont l’usage n’est pas homologable par la loi britannique. Il n’en désigne pas moins une culture ancestrale diffusée du Nigeria à la Côte d’Ivoire – chez les Anango –, en passant par le Ghana ou le Bénin. Le soupçon de récupération commerciale est d’ailleurs surligné par le nom même de la société qui créa la ligne de vêtements « Yoruba » : « Timbuktu Global »…

Après le début de la polémique, l’entreprise britannique a fermé ses comptes Twitter et Instagram, ainsi que son site web. Son service de communication affirme avoir déposé une demande de renonciation à l’enregistrement de la marque « Yoruba »…

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