Nigeria : Babatunde Fashola, l’homme qui tombe à pic
Ancien gouverneur de Lagos, Babatunde Fashola a été nommé le 11 novembre 2015 ministre en charge de l’Électricité, des Travaux et du Logement dans le gouvernement du président Muhammadu Buhari. Retrouvez le portrait que lui avait consacré « Jeune Afrique » en décembre 2013.
Babatunde Fashola, c’est l’artisan de la transformation de la ville de Lagos. Très populaire, il achèvera en 2015 son dernier mandat de gouverneur et dit n’avoir qu’une envie : quitter la politique.
Babatunde Fashola n’est pas du genre à s’arrêter en chemin pour regarder en arrière. Surtout pas pour faire son bilan. « Il ne m’appartient pas de juger mes propres résultats, argumente le gouverneur de Lagos. Il est encore trop tôt. Certes, nous avons fait des progrès, mais nous ne sommes pas encore arrivés là où nous le voulions. »
Le vrai patron de la capitale économique du Nigeria, la ville la plus peuplée d’Afrique subsaharienne (18 millions d’habitants), l’artisan de sa transformation, c’est pourtant lui. Aux affaires depuis 2007, il achèvera son deuxième et dernier mandat en janvier 2015 (il ne pourra pas se représenter), et sa popularité est déjà à son apogée. Du chauffeur de taxi du quartier d’Ikeja aux grands bourgeois de Victoria Island, tous sont unanimes à reconnaître « l’effet Fashola ». Jadis miné par la criminalité, les embouteillages (les fameux go slow) et le marasme économique, Lagos s’est enfin remis du transfert du pouvoir politique à Abuja en 1991 et a repris des couleurs. « Désormais, il y a des transports en commun, il est possible de se promener en ville sans être agressé le soir, témoigne un expatrié français. Il y a même des espaces verts, y compris dans les quartiers populaires. » Figure de l’Action Congress, le principal parti d’opposition (libéral), le gouverneur – yorouba et musulman – est vu comme un représentant pragmatique des intérêts du Sud-Ouest face à l’État fédéral et face à un parti au pouvoir (le Parti démocratique populaire, PDP) miné par les divisions.
Babatunde Fashola s’est entouré d’une équipe dont les membres ont été triés sur le volet.
« Avec lui, il n’y a pas de demi-mesure »
Babatunde Fashola s’est entouré d’une équipe dont les membres ont été triés sur le volet. En 2012, il s’est fait construire de nouveaux bureaux à Ikeja (dans les faits, une petite villa avec une cour et un jardin intérieur), plus fonctionnels que le somptueux palais du gouverneur sur Lagos Island, où il n’était pas à son aise. Surtout, il a choisi de s’installer à proximité du Parlement de l’État de Lagos et du siège de son administration. C’est là qu’il nous a reçu : l’énergique gouverneur qui, du haut de son mètre quatre-vingt-dix, domine la plupart de ses collaborateurs, en arpente les couloirs à grandes enjambées. L’homme est ponctuel et synthétique – deux caractéristiques rares parmi les élus nigérians. « Avec lui, un oui est un oui. Il n’y a pas de demi-mesure », explique l’un de ses conseillers.
Son poste, Babatunde Fashola a du mal à le comparer à celui du maire d’une autre cité africaine. « Piloter une ville comme Lagos, c’est un peu comme gérer un État, compte tenu de sa taille et des pouvoirs étendus dont disposent les 36 gouverneurs que compte le Nigeria. » Il est pourtant en contact avec les élus de Cotonou, de Freetown, de Johannesburg et du Caire, confrontés comme lui à la très forte croissance de la population des villes dont ils ont la charge (plus de 3 % par an dans le cas de Lagos). Au centre de ses préoccupations, la sécurité : « Elle est le premier droit des citoyens. À Lagos, la situation était désastreuse. Nous avons mis l’accent dès le début sur les moyens de la police et sur l’éclairage urbain. Mais cela ne suffit pas pour lutter contre la délinquance. Nous avons donc aussi cherché à favoriser la croissance économique, pour donner du travail aux gens. La réouverture de lieux comme les discothèques, les restaurants et certains commerces de proximité en soirée ou la nuit a eu, à ce titre, un effet bénéfique. »
Il faut des outils précis pour recenser la population et mesurer ses besoins en termes de transport, indique-t-il encore. « Une fois qu’on a ces informations, qui peuvent prendre des années pour être recueillies, on peut planifier. Personne ne devrait être privé d’accès aux services de base que sont l’approvisionnement en eau et en électricité, le droit à la sécurité et à la santé », estime-t-il. Fashola se dit aussi hostile aux opérations de « déguerpissage », souvent pratiquées. « Il faut accompagner les citadins d’où qu’ils viennent. Pas les déplacer de force ! »
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Se retirer de la politique en 2015
Pour financer ses projets, le gouverneur a pu s’appuyer sur un meilleur recouvrement de l’impôt, qui a progressé de 50 % depuis 2007. Mais en bon libéral, il parie aussi sur le secteur privé, qui courtise de nouveau la ville. « Lagos est un centre commercial et financier majeur. Nombreux sont les Nigérians qui y créent des entreprises, qui y investissent dans l’immobilier et le capital-risque, ou en Bourse. Tous y passent un jour ou l’autre », affirme-t-il.
Même si certains aimeraient le voir briguer un mandat fédéral, Babatunde Fashola dit vouloir se retirer de la politique en 2015. « J’aspire au repos. J’aimerais écrire, lire et enseigner le droit. Avant d’être un homme politique, j’étais avocat. Les salles d’audience me manquent, j’y retournerai certainement. Mais, dit-il en concluant l’entretien à l’heure exacte qui avait été convenue, je ne quitterai pas Lagos, c’est ma ville. »
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Des projets en veux-tu en voilà
Eko Atlantic, c’est LE projet emblématique de Lagos, le plus grand chantier immobilier en cours sur le continent, qui doit donner naissance au « Dubaï de l’Afrique » et dont Babatunde Fashola s’est fait le promoteur. Dans quelques années, des gratte-ciel construits sur 10 km2 entièrement gagnés sur l’océan s’élèveront le long de Victoria Island… En attendant, c’est un autre projet, moins grandiose mais qui a contribué à faciliter le quotidien de dizaines de milliers de personnes, qui a fait la réputation du gouverneur : celui des Bus Rapid Transit, qui circulent sur des voies réservées, notamment sur les ponts aux bouchons autrefois légendaires. Ils permettent de relier les quartiers populaires, situés sur le continent, à Lagos Island, où travaillent nombre de Nigérians.
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