Noor Inayat Khan : princesse indienne et musulmane, espionne et héroïne

Princesse indienne et musulmane, Noor Inayat Khan a eu un destin hors du commun, de la cour du tsar de Russie aux services secrets britanniques, en passant par le Paris des années folles, avant de mourir dans le camp d’extermination nazi de Dachau. La Grande-Bretagne a rendu hommage à cette héroïne de la 2e guerre mondiale, le 8 novembre, en érigeant sa statue à Londres.

En France ou en Grande Bretagne, elle demeure la seule héroïne de guerre musulmane reconnue. © Imperial War Museum

En France ou en Grande Bretagne, elle demeure la seule héroïne de guerre musulmane reconnue. © Imperial War Museum

Publié le 9 novembre 2012 Lecture : 3 minutes.

Dans le froid et le brouillard du camp de concentration de Dachau, Noor Inayat Khan meurt d’une balle dans la nuque, à 30 ans, le 12 septembre 1944. Depuis onze mois, elle subissait les pires souffrances, mise à l’isolement total, enchaînée, affamée, battue. Opératrice radio du Special Operations Executive (SOE), l’un des services secrets des Britanniques pendant la deuxième guerre mondiale, la jeune femme dirigeait à elle seule un réseau d’espionnage et de sabotage dans la région parisienne lorsqu’elle fut arrêtée par la Gestapo, en octobre 1943.

La Grande-Bretagne lui a rendu un vibrant hommage, le 8 novembre, en érigeant son buste en bronze, à Gordon Square Garden, dans le centre de Londres, dévoilé par la princesse Anne, fille de la reine Elisabeth II. Unique héroïne de guerre musulmane à être reconnue Outre-Manche, selon The Guardian, elle est aussi la première femme asiatique à recevoir un tel honneur.

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La princesse Anne d’Angleterre inaugurant une statue de Noor Inayat Khan, jeudi 8 novembre à Londres.

© AFP

Invités par Raspoutine

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Noor Inayat Khan naît le 1er janvier 1914, dans une famille princière indienne, originaire de Mysore (sud). Son père est musicien chez les maharadjahs et auteur d’ouvrages sur la mystique soufie. Il a rencontré sa mère, une Américaine, lors d’une tournée en Californie. Lorsque la princesse voit le jour, ils viennent de s’installer à Moscou, invités par Raspoutine. Deux ans plus tard, la révolution bolchévique les oblige à fuir la cour du tsar pour se réfugier à Londres, puis Paris.

Alors que les Allemands procèdent à des arrestations massives, elle refuse de rentrer en Angleterre sur le conseil de ses supérieurs afin de ne pas laisser ses camarades français sans communications.

C’est là, que dans les années 30, Noor étudie la harpe, au Conservatoire de Paris, ainsi que la psychologie à la Sorbonne. Elle écrit aussi des contes pour enfants qu’elle lit elle-même sur Radio Paris. Après l’invasion de la France par l’Allemagne, en 1940, la jeune femme part pour Londres où elle s’engage comme volontaire dans la branche féminine de la Royal Air Force. Elle est recrutée deux ans plus tard comme agent secret à la SOE, puis envoyée dans la France occupée.

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« Madeleine » (son nom de code) ou « Nora Baker » (son pseudonyme) est la première femme du service secret à recevoir cette mission. Alors que les Allemands procèdent à des arrestations massives, elle refuse de rentrer en Angleterre sur le conseil de ses supérieurs afin de ne pas laisser ses camarades français sans communications. Seules trois femmes seront décorées de la George Cross pour la deuxième guerre mondiale, une distinction britannique décernée aux civils pour des actes de bravoure exceptionnels : Noor Inayat Khan (à titre posthume, en 1949) ainsi que Odette Sansom et Violette Szabo, elles aussi membres du SOE.

Avant la guerre, Noor Inayat Khan est musicienne et auteure de contes pour enfants.

© Noor Inayat Khan Memorial trust/Shrabani Basu/AFP/Getty Images

En France aussi

La France avait aussi honorée Noor Inayat Khan au mémorial de Valençay (Indre) où son nom figure parmi ceux des 104 agents secrets britanniques morts pour la France pendant la seconde guerre mondiale, et en lui attribuant la Croix de guerre. Elle reste pourtant la seule musulmane à être considérée comme une héroïne de la résistance française.

Ni le recteur de la Grande mosquée de Paris de l’époque, Si Kaddour Benghabrit, qui a abrité des résistants et des juifs, ni Addi Bâ, un tirailleur sénégalais musulman, chef d’un maquis de la Résistance, n’ont, pour l’instant, eu droit à une telle reconnaissance. Seule le monde de la culture s’est intéressée à eux. Le réalisateur français Ismaël Ferroukhi a fait du directeur de la mosquée le héros de son film Les Hommes libres, l’écrivain guinéen Tierno Monénembo raconte l’histoire d’Addi Bâ dans son dernier roman Le terroriste noir.

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Par Marie Villacèque (@mvillaceque)

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