Le jour où le Maroc a quitté l’Organisation de l’unité africaine
Pendant trois heures, pour la première et dernière fois, le Maroc et la République arabe sahraouie démocratique (RASD) ont siégé ensemble. C’était lors du 20e sommet de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), le 12 novembre 1984, à Addis-Abeba.*
À 17 h 50, la délégation sahraouie, conduite par son président, Mohamed Abdelaziz, fait son entrée dans la salle des séances de l’Africa Hall et prend place entre ses pairs du Rwanda et de São Tomé e Príncipe. La délégation marocaine, conduite par le conseiller du roi Hassan II, Ahmed Réda Guédira, s’installe derrière son pupitre.
Séparation
Après l’ordre du jour, le Maroc demande la parole. Guédira donne alors, sur un ton très calme, lecture d’un message du roi Hassan II : « Voilà, et je le déplore, l’heure de nous séparer. En attendant des jours plus sages, nous vous disons adieu et nous vous souhaitons bonne chance avec votre nouveau partenaire. »
Ce nouveau partenaire, c’est la RASD, État autoproclamé en 1976 par le Front Polisario et qui siège pour la première fois en tant que membre de l’OUA. Avant de se retirer, Guédira réaffirme avec ferveur que la présence du drapeau chérifien sur le sol saharien est « conforme à l’Histoire et à la loi internationale ».
Le ministre zaïrois des Affaires étrangères lui emboîte le pas, accusant l’OUA d’accueillir en son sein « un État fantôme et de violer ainsi la charte de l’Organisation », qui stipule que seuls des pays indépendants et souverains sont habilités à y siéger. En fin de journée, au pied du grand escalier de l’Africa Hall, les 140 membres de la délégation marocaine – dont une bonne partie est d’ailleurs d’origine sahraouie – quittent le sommet avec fracas, scandant d’une seule voix : « Le Sahara est marocain et le restera. »
Une assemblée divisée
Ils laissent derrière eux une assemblée divisée. Ceux qui refusent de reconnaître la RASD – une vingtaine sur les cinquante membres de l’OUA –, parmi lesquels la Tunisie ou la Guinée, souhaitent le retour du Maroc au sein de l’organisation. Pour les autres, Rabat paie le prix de son refus catégorique de discuter directement avec le Polisario. Ils reprochent au royaume d’avoir paralysé les sommets de l’OUA en faisant du Sahara une question centrale au détriment des problèmes urgents de développement. Le président de l’OUA, Julius Nyerere, affirme aux journalistes présents : « On n’est pas là pour résoudre l’affaire du Sahara. »
La veille au soir, le comité chargé de l’application de la résolution votée au 19e sommet pour l’organisation d’un référendum au Sahara avait adopté à l’unanimité un rapport accablant pour le Maroc, considéré comme responsable du blocage des négociations. Le comité avait demandé à la conférence des chefs d’État et de gouvernement d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Avant même le début du sommet, la position de Rabat est donc fragile.
Boycott du sommet de Tripoli
En février 1982, déjà, l’admission de la RASD comme 51e membre de l’OUA avait donné lieu, à l’appel du Maroc, à un boycott massif du sommet de Tripoli. En juin 1983, un modus vivendi est trouvé et l’Algérie fait pression sur ses protégés du Front Polisario pour qu’ils ne siègent pas au sommet. Mais l’année suivante, le 13 août 1984, Mouammar Kadhafi, jusque-là principal soutien du Polisario, fait volte-face et signe avec le Maroc les accords d’Oujda. En réponse à cet affront, le président algérien, Chadli Bendjedid, lève ses objections à la participation de la délégation de la RASD. Ce 12 novembre 1984, le départ du Maroc n’a donc rien d’une surprise.
Aujourd’hui, plus de six ans après le remplacement de l’OUA par l’Union africaine, les relations du Maroc avec les instances panafricaines restent bloquées. Mohammed VI s’emploie cependant à cultiver des relations privilégiées avec de nombreux pays subsahariens, comme le Sénégal, le Gabon ou encore le Congo, dont le président, Denis Sassou Nguesso, affirmait, en 1997, que « nous ferons tout pour que le Maroc retourne à l’OUA ». Depuis 1984, plus de trente pays dans le monde, dont les Seychelles, le Malawi, le Bénin ou encore le Tchad, sont revenus sur leur reconnaissance de la RASD.
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*Cet article avait été publié dans les colonnes de Jeune Afrique en novembre 2008
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