Guinée : pouvoir-opposition, les cinq pommes de discorde
L’opposition guinéenne menace de se retirer de l’Assemblée nationale, de suggérer à ses trois représentants de quitter la Ceni et de reprendre à partir du 15 mars ses manifestations de rue si ses revendications ne sont pas entendues. Quelles sont-elles ? Décryptage.
Le premier tour de la présidentielle guinéenne aura lieu le 11 octobre 2015, a décidé mardi la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), conformément à l’article 28 de la Constitution, qui prévoit l’élection présidentielle deux mois avant l’expiration du mandat du président de la République. Les locales, quant à elles, sauf changement, n’auront lieu qu’en 2016. Mais l’opposition juge "totalement suicidaire" d’aller à la présidentielle avant les élections communales et communautaires. Ce qui n’est qu’une revendication parmi tant d’autres.
- Une Ceni recomposée
La configuration actuelle de la Ceni est l’une des principales revendications de l’opposition. La recomposition du paysage politique l’a rendue obsolète aux yeux de l’opposition guinéenne. "Nous n’avons que trois commissaires sur les vingt cinq, alors qu’on en avait dix. Si on doit avoir une Ceni relativement neutre et impartiale, il faudra la recomposer pour rétablir l’équilibre", remarque Aboubacar Sylla, porte-parole de l’opposition et président de l’Union des forces du changement (UFC).
L’opposition estime que la Guinée peut, en faisant preuve de volontarisme, organiser les locales dans un délai de trois mois, après correction des anomalies du fichier électoral.
- Des locales avant la présidentielle
La Ceni projette d’organiser les élections locales en 2016, bien après la présidentielle d’octobre prochain. L’opposition y voit une volonté de frauder le scrutin avec la complicité des délégations spéciales, nommées par le président Condé après l’expiration en 2010 du mandat des élus locaux. L’opposition estime que la Guinée peut, en faisant preuve de volontarisme, organiser les locales dans un délai de trois mois, après correction des anomalies du fichier électoral. "On a vicié le processus électoral de la base au sommet. Toutes les collectivités locales sont dirigées par des personnes nommées par l’exécutif et non élues par les populations", dénonce l’opposition.
>> Voir l’interview vidéo de Cellou Dalein Diallo : "Il ne nous reste que la rue comme recours"
- Un juge pour les élections
Les résultats des élections font souvent l’objet de contestation. En 2013, la Cour suprême s’était déclarée "incompétente" face aux nombreuses plaintes des partis politiques et avait entériné les résultats des législatives tels que proclamés par la Ceni. Pour ne pas revivre cette expérience, l’opposition exige l’installation de la Cour constitutionnelle, juridiction compétente en matière de contentieux électoraux, selon l’article 93 de la Constitution guinéenne.
- Reprise du recensement de la population
Les Guinéens sont estimés à dix millions d’âmes par le recensement de la population et de l’habitation de 2014. Des statistiques contestées par l’opposition, qui soupçonne le gonflage des chiffres dans les fiefs du parti au pouvoir. La région de Kankan (Haute Guinée) apparaît notamment comme la plus peuplée, 1 986 329 habitants, devant même la capitale Conakry et ses 1 667 864 habitants.
- Le retour de la communauté internationale
La dernière pomme de discorde entre le pouvoir et l’opposition est relative à la participation de la communauté internationale au processus électoral. Les autorités de Conakry avaient annoncé leur souhait de financer les élections sans l’aide internationale. Une position révisée depuis le 30 janvier, suite à des entretiens entre Alpha Condé, des représentants de l’ONU et de l’UE en marge des sommets économique de Davos et de l’Union africaine d’Addis-Abeba.
Une rencontre entre le ministre guinéen des Affaires étrangères et les partenaires est annoncée pour étudier les détails de l’appui. Feu-vert a été donné aux observateurs internationaux pour suivre et garantir la transparence de la présidentielle. Mais l’opposition se réserve le droit de juger sur pièces la sincérité de l’attitude gouvernementale sur ce sujet.
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