Algérie : l’écrivain Rachid Boudjedra assume son athéïsme, les islamistes voient rouge

L’écrivain algérien Rachid Boudjedra a déclaré être athé lors d’un entretien télévisé diffusé mercredi, sur la chaîne arabophone Echorouk. Une annonce qui a créé la polémique en Algérie et enflammé les réseaux sociaux. 

L’écrivain Rachid Boudjedra. © Capture d’écran YouTube

L’écrivain Rachid Boudjedra. © Capture d’écran YouTube

Publié le 5 juin 2015 Lecture : 2 minutes.

Plutôt habituée à recevoir des personalités religieuses, telles que l’imam salafiste Hamdache ou encore l’ex-combattant du Groupe islamique armé (GIA) Medani Mezrag, l’émission Mahkama (Tribunal), diffusée sur la chaine privée algérienne Echorouk, recevait mercredi 3 juin l’écrivain communiste Rachid Boudjedra. Sur le plateau, la tradition voulant que la personnalité invitée jure sur Allah, comme à la barre, de dire la vérité avant de se livrer à un jeu de questions/réponses a été quelque peu bouleversée : face à la journaliste Madiha Allalou, Rachid Boudjedra a déclaré : "Je jure sur ma mère".

Interrogé sur sa foi, l’écrivain lâche un "Non" catégorique. La journaliste réitère : "Croyez-vous à l’islam comme religion ?" Même réponse toujours sans hésitation : "Bien sûr que non, c’est la même question". "Vous croyez en Mahomet comme prophète ?", insiste encore la journaliste. Rachid Boudjedra ferme, rétorque : "Non. Pour moi Mahomet est un révolutionnaire. Pas plus". Lorsque la journaliste aborde la question des athées en Algérie, il estime qu’ils sont nombreux mais qu’ils n’osent pas parler "par peur de l’opprobre de la société." Et d’ajouter : "Si je devais choisir une religion ce serait le bouddhisme pour son pacifisme".

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Des déclarations qui créent un tollé en Algérie, où l’islam est religion d’État et où les chaînes de télévision ont tendance à donner la parole aux imams et autres théologiens de l’islam. Si la Constitution reconnaît la liberté de conscience comme "inviolable", dans son article 36, la loi du 21 mars 2006 condamne de 2 à 5 ans de prison "toute personne qui "fabrique, entrepose, ou distribue des documents imprimés ou métrages audiovisuels ou tout autre support ou moyen, qui visent à ébranler la foi musulmane".

Les islamistes sur le qui-vive

À peine le teaser de l’émission dévoilé (voir vidéo ci-dessous), le président du parti salafiste Abdelfattah Hamadache, connu pour avoir condamné à mort l’écrivain Kamel Daoud dans une fatwa, s’est fait entendre. Interrogé par le quotidien arabophone El Mihwar, il a affirmé que Rachid Boudjedra, au regard de ses déclarations, "ne devra pas être enterré avec les Algériens."

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Teaser de l’émission Mahkam.

Jeudi, c’est l’Union des savants musulmans algériens qui dans un communiqué, rapporté par le journal arabophone El Bilad, confirme les déclarations de Hamadache. Il n’est pas question d’après eux "de prier, laver le corps et enterrer Rachid Boudjedra dans un cimetière musulman".

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Des soutiens encore timides

Seul l’ancien consultant du ministère des Affaires religieuses, Adda Fellahi, a déclaré que l’athéisme n’était pas un danger pour la société contrairement à l’extrémisme religieux. Il a également souligné que le la Constitution algérienne, tout comme la charia, garantissent la liberté de conscience et d’expression avant d’ajouter qu’aucun texte, qu’il s’agisse du Coran ou des hadiths, n’interdit à une personne de s’exprimer librement sur ses convictions personnelles.

Sur les réseaux sociaux, les esprits se sont échauffés, du soutien à l’admiration en passant par le lynchage et les menaces de mort. À 74 Ans, Boudjedra n’en est pas à sa première polémique. La dernière en date remonte à son dernier ouvrage, Printemps, dans lequel il aborde la thématique de l’homosexualité. À ses détracteurs, il répondait alors,dans un entretien accordé à TV5 monde : "ça fait cinquanrte ans que je brise les tabous !".

>> Lire aussi : Il est comment le nouveau Boudjedra ?
 

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