Reckya Madougou : « L’Afrique comptera bientôt d’autres Ellen Sirleaf »
À 40 ans, l’ex-ministre de Yayi Boni entre 2008 et 2013 (Justice, Emploi des jeunes et des femmes, Microfinance… ) est désormais consultante en économie sociale en Afrique. À quelques mois de la présidentielle de 2016 au Bénin, elle livre à « Jeune Afrique » son analyse de la vie politique dans son pays.
Jeune Afrique : Comment se porte aujourd’hui le Bénin après bientôt dix années de présidence Yayi ?
Reckya Madougou : Le Bénin va bien. Il n’est un secret pour personne que le pays traverse des moments difficiles. Mais la situation est en rapport avec les fins de règnes qui sont habituellement tendues. Je reste persuadée que le peuple béninois dispose d’un génie qui lui permet de se retrouver pour dialoguer et sortir des crises. Il y a des personnes profondément convaincues que le Bénin ne doit pas basculer dans le chaos et qui travaillent à l’abri des regards pour faire concorder les points de vue des différents acteurs.
Ces dernières semaines, de nombreux scandales de corruption sont venus perturber la quiétude des Béninois. Sommes-nous en train de vivre une fin de règne chaotique ?
Il y a sans doute des personnes qui s’adonnent à ces pratiques indignes. Cependant, je pense que le système, tel qu’il fonctionne, ne permet pas une reddition des comptes efficace en termes de résultats fiables. Sur la question par exemple de l’aide au développement, bien qu’on se soit battus au gouvernement pour disposer d’un document qui encadre la politique nationale en la matière, la mise en œuvre pose problème.
Les meilleures politiques ne prospèrent que si les hommes chargés de leur mise en œuvre sont qualitativement choisis et respectent les principes de la bonne gouvernance.
On peut analyser votre réponse comme une critique à l’encontre de la politique du gouvernement actuel. Êtes-vous toujours fidèle à la majorité présidentielle ?
Je n’appartiens à aucun parti politique du grand ensemble des Forces Cauris pour un Bénin émergent (FCBE, coalition au pouvoir), mais j’ai cru en la vision du président Boni Yayi et en son ambition d’engager le pays sur la voie de la prospérité. Je n’ai pas de regrets à avoir servi mon pays sous son leadership.
Cela ne veut pas dire que je suis d’accord avec toutes ses méthodes, loin s’en faut. J’estime qu’ayant été sa collaboratrice et en raison de mon éducation, je ne peux m’autoriser à lui exposer mes points de désaccord sur la place publique.
Vous sillonnez l’Afrique depuis deux ans en tant que consultante internationale en matière d’économie et de finance inclusives. Avez-vous définitivement tourné le dos à la politique au Bénin ?
Comment le pourrais-je? Se refuser à défricher le terrain que vous avez âprement labouré, c’est favoriser la pousse des mauvaises graines. Lorsque vous vous occupez des questions liées au développement, vous êtes déjà en plein dans la politique. Je n’ai jamais quitté la politique. Ma croisade africaine pour la promotion de la finance inclusive y participe. On ne peut pas être un politique et se consacrer uniquement à la politique politicienne. Si on veut changer la vie des gens, il faut être capable de leur démontrer qu’on peut trouver des réponses à leurs difficultés quotidiennes.
Allez-vous soutenir un candidat en 2016 ?
Je suis honorée d’être approchée par la plupart des aspirants à la fonction présidentielle. Mais lorsque la question du choix se présentera à moi, j’opterai pour le profil le plus à même de favoriser le bien-être des Béninoises et des Béninois dans leur grande majorité. Celle ou celui qui aura compris au delà des vœux pieux que la cohésion sociale, le raffermissement des bases de l’unité nationale sérieusement érodées, la promotion d’instruments inclusifs de croissance sont des socles essentiels à l’émergence du Bénin.
Le Bénin est-il prêt à confier la magistrature suprême à une femme ?
Les femmes au Bénin n’ont aucune limite à se fixer en matière d’aspiration à la gouvernance du pays. Le Bénin regorge de femmes très responsables qui peuvent prétendre à le diriger. Il se prépare un saut générationnel dans nos pays africains, et un tour de relai entre la gente masculine et celle féminine. Les hommes ont fait leurs preuves, mais le temps des femmes arrive partout dans le monde… L’Afrique n’y a pas échappé et comptera bien d’autres « Ellen Sirleaf ».
Des indiscrétions et plusieurs quotidiens béninois annoncent votre retour au sein du gouvernement…
(Sourire). Depuis ma sortie du gouvernement en 2013, à l’approche de chaque remaniement, je suis « annoncée de retour ». Cependant, j’ai été claire sur ma volonté pour l’instant de garder ma liberté, loin de l’appareil d’État.
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