Zone euro : tragicomédie grecque
Alors que la Grèce, « mère de toutes les démocraties » se trouve au bord du gouffre, disputes et revirements se succèdent.
En ce début août, la Grèce exaspère aussi bien Bruxelles et la Banque centrale européenne (BCE) que le Fonds monétaire international (FMI). Bref, à peu près tout le monde. Les promesses de rigueur n’étant pas tenues, les membres de la « troïka » qui supervise les efforts de ce pays pour éviter que ses 280 milliards d’euros de dettes n’explosent à 330 milliards d’ici à la fin de l’année aimeraient bien lui suggérer de prendre la porte de la zone euro, mais ils ne le peuvent pas : les dommages collatéraux seraient incommensurables.
Alors ils se partagent les rôles. Les Allemands excellent dans celui du « méchant ». Philipp Rösler, leur ministre de l’Économie, déclare froidement qu’en Grèce « la mise en oeuvre des réformes est hésitante, [qu’]aucune administration fiscale efficace n’a été mise en place et [que] les privatisations n’avancent pas ». Plus abrupt encore, Michael Fuchs, vice-président du groupe chrétien-démocrate au Bundestag, estime qu’on « ne peut plus sauver la Grèce ». Interrogés par l’institut Emnid pour l’hebdomadaire Bild am Sonntag, 71 % des Allemands souhaitent quant à eux que ce pays sorte de la zone euro dans l’hypothèse où il ne tiendrait pas ses promesses. Opinion partagée par Peter Ramsauer, le ministre des Transports : « Naturellement, elle [la Grèce] peut sortir de la monnaie européenne ! »
Cigales et fourmis
Dans le rôle du « gentil », Jean-Claude Juncker, le président de l’Eurogroupe, est un peu isolé, puisque au même moment José Manuel Barroso, le président de la Commission, exige d’Athènes « des résultats, des résultats, des résultats ». Juncker, lui, affirme : « Une sortie de la zone euro ne fait pas partie de mes hypothèses de travail. La réputation des pays membres en serait grandement ternie à travers le monde. »
Les Allemands dans le rôle du méchant. Et Jean-Claude Juncker dans celui du gentil.
Pressé par la troïka de faire 11,6 milliards d’euros d’économies en 2013 et 2014, condition pour obtenir en septembre le déblocage de 31,5 milliards qui permettront d’assurer les fins de mois dans le cadre du plan de sauvetage, le gouvernement grec louvoie. D’accord pour ce montant, a-t-il répondu, confirmant par la voix de Christos Staïkouras, son vice-ministre des Finances, que les réserves du pays étaient « proches de zéro ».
Mais les partis de la coalition au pouvoir conduite par Antonis Samaras (Nouvelle Démocratie) renâclent. Il leur a fallu trois jours, entre le 27 juillet et le 1er août, pour accepter de baisser les pensions de certaines catégories de retraités, de réduire la prime de départ des fonctionnaires et de repousser de 65 à 67 ans l’âge de la retraite. Plus des coupes supplémentaires dans les dépenses de santé et les aides sociales.
Récession grecque
Ils semblent enfin d’accord, même si Evangelos Venizelos, le leader socialiste, critique les réductions de salaires ou le report de l’âge de la retraite et demande deux ans de sursis pour la mise en oeuvre de ces nouvelles mesures d’austérité. Et même si Panos Panayotopoulos, le ministre de la Défense, préférerait tailler dans les dépenses d’armement plutôt que dans les salaires des militaires.
Afin d’exprimer la colère allemande devant les milliards déboursés en vain pour la Grèce, le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung du 30 juillet citait le poète latin Publilius Syrus, selon qui « la patience trop souvent lassée devient fureur ».
Les Grecs pourraient retourner l’argument et exprimer leur fureur devant une récession sans fin qui réduira encore le produit intérieur brut de 7 % en 2012 et met au chômage un jeune de moins de 25 ans sur deux. Et citer un autre vers du même auteur : « L’homme généreux invente même des raisons de donner. »
Entre les fourmis du nord de l’Europe et les cigales du Sud, l’incompréhension est totale. Mauvais présage pour l’euro ?
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