Musique : au Burkina, on en pince pour le Prince, alias Alif Naaba

Le chanteur burkinabè Noura Mohamed Kaboré, alias Alifa Naaba à la scène, connaît un succès mondial depuis la fin des années 2000. Rencontre avec ce disciple d’IAM et de MC Solaar.

Alif Naaba © Sophie Garcia/JA

Alif Naaba © Sophie Garcia/JA

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Publié le 19 octobre 2015 Lecture : 3 minutes.

Début juillet à Ouagadougou, en plein cœur du ramadan. Musulman pratiquant, Noura Mohamed Kaboré, alias Alif Naaba à la scène, donne ses rendez-vous à la nuit tombée. Bonnet, gourmette, chaîne et montre en argent, regard espiègle et verbe facile, le chanteur burkinabè reçoit à la Villa Kaya, établissement à l’ambiance agréable et feutrée où il a ses habitudes.

L’auteur-compositeur et interprète de 33 ans est issu d’une famille princière de Koudougou (capitale du Centre-Ouest) : il est l’un descendant du Mogho Naaba Konkiss, du village de Konkistenga – d’où ses surnoms de « Prince aux pieds nus » ou « Prince de Konkistenga ».

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Disciple d’IAM

Sa carrière est faite de rencontres et de moments forts partagés avec d’autres musiciens. À commencer par ceux avec lesquels il donnait des concerts de rue dans le quartier Siporex, à Yopougon (commune d’Abidjan), en Côte d’Ivoire, où ce benjamin d’une fratrie de neuf enfants a grandi.

Disciple d’IAM et de leur mythique album L’École du micro d’argent, mais aussi de MC Solaar et de sa poésie, c’est en tant que rappeur que l’adolescent a fait ses premiers pas sur scène. Nous sommes en 1999. Alif a intégré un groupe mais l’aventure a tourné court. Il s’est alors mis au chant en s’inspirant de l’âme et de la musicalité de sa mère, chanteuse traditionnelle. « Elle chantait quand elle était triste ou quand elle était heureuse, parce qu’elle chantait la vie », se souvient-il.

À 17 ans, il a déjà créé son univers, dans lequel sa voix douce et claire se mêle à la tradition moaga (mossi), aux rythmes folks et aux mélodies métissées inspirées de Touré Kunda ou d’Ismaël Lô (dont il est tombé amoureux en écoutant l’émission Kilimandjaro sur Africa NO 1). Ce jour-là, à Yopougon, il expérimente cette envoûtante alchimie pour la première fois sur scène. Et c’est un succès.

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Pas d’album en Côte d’Ivoire

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Le lendemain, on lui propose de faire une maquette et d’enregistrer son premier album, Regards métis, au studio Nefertiti, situé dans le centre d’Abidjan, au Plateau. Le disque, conçu cette année-là, ne paraîtra que quatre ans plus tard, en 2003, au Burkina Faso. Entre-temps, la crise ivoirienne a débuté. « En tant que Burkinabè, je ne pouvais pas sortir l’album en Côte d’Ivoire », explique Alif Naaba.

Finalement, le producteur Papus Zongo l’approchera pour que l’album puisse voir le jour dans son pays. Dès 2005, il signe son deuxième opus, Foo. Doublé gagnant pour Alif Naaba puisque les Kundé (trophées de la musique burkinabè) le sacrent meilleur artiste de la diaspora en 2004 pour Regards métis et lui attribuent le prix de la meilleure chanson francophone pour « Foo » en 2005.

Écho mondial

Autre époque, autres rencontres décisives. D’abord en 2007, avec l’Ivoirien A’Salfo, le chanteur principal de Magic System. « Une référence » pour Alif Naaba, avec qui le courant passe tout de suite et qui finance une partie de son troisième album, Wakat (sorti en 2009).

En 2008, l’artiste burkinabè tourne dans toute l’Afrique de l’Ouest et croise la route de la dramaturge et metteuse en scène rwandaise Odile Gakire Katese. Elle a dans ses tiroirs un projet de spectacle musical sur le génocide. Lui a évoqué le drame dans Wakat. Elle lui propose d’en composer la musique. Il accepte. La pièce, Ngwino Ubeho ou La Pluie et les Larmes, est jouée à Kigali lors des célébrations du quinzième anniversaire du génocide, en 2009, et aura un écho mondial, notamment aux États-Unis, où le Sundance Institute le reprendra en juillet 2010, et en France, où le spectacle tournera en 2011.

Premier espace de résidence artistique de Ouagadougou

Fort de ce succès, Alif Naaba participe aussi au globalFest de New York et au festival Cervantino, au Mexique, en 2010. Deux ans plus tard, lauréat du programme Visas pour la création (distinction décernée par le ministère des Affaires étrangères et l’Institut français), il est invité en résidence pour trois mois à Paris, où il compose son quatrième album, Yiki (« Lève-toi », sorti en 2013), avant d’être convié à se produire à Hanoï par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).

Le petit prince a bien grandi. Kundé d’or du meilleur artiste en 2014, il travaille actuellement à son cinquième opus, qu’il veut « plus accessible ». Il a aussi créé sa maison de production, La Cour du Naaba, qui s’apprête à ouvrir le premier espace de résidence artistique de Ouagadougou, et participe à Équation Musique, un « réseau d’entrepreneurs de la musique » parrainé par l’OIF et l’Institut français, dont le but est d’accompagner la professionnalisation des producteurs africains.

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