Au Sénégal, des agriculteurs s’adaptent face au changement climatique
Depuis 2013, les paysans de Daga Birame, dans le centre du Sénégal, pratiquent une agriculture adaptée au changement climatique en se fondant sur la recherche et les prévisions météorologiques… et avec l’aide de radios communautaires.
Ce village d’environ 800 âmes de la région de Kaolack participe en effet à un projet pilote de pratiques dites « climato-intelligentes », plus durables, destiné à anticiper les impacts dramatiques du réchauffement climatique.
Le projet implique l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim) du Sénégal et le Programme de recherche sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire (CCAFS) du partenariat international de recherche agricole CGIAR – un consortium qui regroupe une quinzaine de centres de recherche dans le monde.
Grâce à ce projet, « on a vu qu’avec nos pratiques (habituelles), on ne tiendrait même pas 30 ans » de plus, indique Ousmane Thiall, un jeune producteur, s’exprimant lors d’une visite de presse organisée fin septembre par les initiateurs dans cette région parsemée de champs de baobabs, à cheval sur des zones arides et la savane.
Les villageois donnent un exemple : auparavant pour nourrir leur bétail, les paysans coupaient les baobabs, immenses arbres centenaires aux multiples usages et vertus. Mais de telles pratiques ont déjà accéléré la désertification dans d’autres localités de la région, désormais exposées à la sécheresse, ce qui pousse les bras valides à l’exode vers des centres urbains plus développés.
Approche participative
Pour leur faire prendre conscience de la menace de ce genre d’actions sur l’environnement, « nous avons privilégié une approche participative », explique à l’AFP Mme Diaminatou Sanogo, directrice de l’Institut sénégalais de recherches agricoles (Isra) et responsable au Sénégal d’un volet du CCAFS.
« Pour que le déclic ait lieu, nous avons emmené les paysans de Daga Birame à Linguère, une région désertique au climat chaud et sec, dans le nord du Sénégal. Là-bas, ils ont vu de leurs yeux à quoi ressemblerait leur région dans 30 ans s’ils ne faisaient rien pour économiser les ressources et protéger leur environnement », ajoute Mme Sanogo.
Selon Ousmane Thiall, les paysans se sont dit : « Si on ne change pas, on sera comme ceux de Linguère. »
On peut semer ou pas ?
Au début de la campagne, le message peinait à passer, d’après Ousmane Ndiaye, chef du département Recherche et développement de l’Anacim.
« Nous nous sommes rendu compte que le jargon météorologique était trop abstrait et inaccessible aux populations rurales. Le langage du climat est probabiliste par essence. Les agriculteurs sénégalais ont beaucoup de mal avec cela », explique à l’AFP M. Ndiaye.
« Avant, quand on leur disait : ‘Il y a 10 % de chances qu’il pleuve’, ils nous répondaient : ‘Mais nous, on peut semer ou pas ?’ C’est cette incompréhension de départ qu’il a fallu corriger », précise-t-il.
Alors, pour que tous parlent le même langage, des ateliers de formation ont été organisés. Et un système d’information par SMS a été mis en place, qui permet depuis la mi-août à un groupe d’agriculteurs leaders de recevoir sur leurs téléphones les prévisions saisonnières, des conseils sur les semences adéquates, les pratiques idoines à adopter face aux aléas climatiques… Informations que ces agriculteurs transmettent à leur tour à leurs confrères.
Ces renseignements sont aussi diffusés par des radios communautaires partenaires du projet – 82 au total – réparties sur tout le territoire.
D’après le CCAFS, ce dispositif permet de toucher environ 7,4 millions de Sénégalais vivant dans les zones rurales, sur une population globale de près de 14 millions d’habitants, et de contribuer à lutter contre des pratiques basées sur des observations empiriques et souvent nuisibles pour leurs cultures ou l’environnement, à moyen ou long terme.
Électrochoc et changement de pratiques
Depuis l’ »électrochoc » provoqué par la visite à Linguère, les habitants de Daga Birame ont changé leurs manières de faire. Les baobabs ne sont plus coupés, au contraire, une grosse croix peinte en rouge s’étale sur leurs troncs, signe qu’ils doivent être préservés.
Et derrière les maisons bordant la grand-place du village, des arbres fruitiers et champs de céréales déploient à perte de vue leurs couleurs ravivées par les généreuses pluies enregistrées cette année: tamariniers, jujubiers, arachide…
Les nouvelles pratiques agricoles « climato-intelligentes » ont cours au total sur 128 hectares. Un arrosage goutte à goutte a été installé au pied de certains plants à la demande des villageois, selon Mme Sanogo, en attendant de pouvoir forer un puits de 40 m de profondeur, solution pérenne.
D’après l’Anacim, 50 % de la population de Daga Birame utilise aujourd’hui l’information climatique, contre 4 % au début du partenariat.
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