L’argent des Africains : Seydou, journaliste malien au Sénégal – entre 274 et 381 euros par mois

Seydou* a 30 ans. Depuis 10 ans, ce journaliste malien s’est installé au Sénégal, où il vit chichement avec sa femme et sa fille. Chaque fin de mois est pour lui une bataille. Pour ce nouvel épisode de notre série sur l’argent des Africains, il nous a ouvert son portefeuille.

Photo d’illustration. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Photo d’illustration. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Publié le 23 décembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Son village natal, niché sur les rives maliennes du fleuve Sénégal, lui manque cruellement. Depuis 10 ans qu’il vit à Dakar, Seydou rêve de retourner dans la région de Kayes, dans l’ouest du Mali. Et ce n’est pas sa femme, originaire d’un village voisin, qui dira le contraire.

Il y a maintenant dix ans que Seydou a pris le chemin de Dakar. En 2005, le bac en poche, il quitte Bamako pour étudier le journalisme dans une école reconnue de la capitale sénégalaise. La faute au système éducatif malien, qu’il juge « très faible et corrompu ».

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Un oncle bienfaiteur

Originaire d’une famille modeste, Seydou parvient à financer son voyage et ses études à Dakar grâce à un oncle « qui a les moyens ». « Je lui dois beaucoup : il m’a permis d’élargir mon horizon », glisse le trentenaire. En échange, Seydou promet de revenir travailler au pays.

Après ses études, le jeune diplômé rentre donc comme convenu au Mali. À la clé : huit mois de galère et de stages non rémunérés. Seydou reprend donc à regret le chemin de Dakar, contre l’avis de sa famille et de son oncle bienfaiteur. « Ils ont mis du temps à comprendre que je n’avais pas d’autre choix », lâche-t-il amèrement.

Payé 0,08 euro par ligne

Un choix difficile, qui s’avérera finalement judicieux. Seydou trouve du travail dans le quotidien d’un grand groupe de presse sénégalais, sous le statut de pigiste. En clair : Seydou est payé à la ligne, 50 francs CFA chacune. Soit 0,08 centimes d’euros. « C’est dérisoire », déplore le trentenaire.

Une situation d’autant plus précaire que Seydou dépend des commandes de son employeur pour travailler. « Quand on me demande beaucoup d’articles, je peux gagner jusqu’à 250 000 francs CFA (381 euros). Mais les mauvais mois, ça ne dépasse pas les 274 euros », explique-t-il. Malgré son statut précaire, le salaire de Seydou est largement supérieur au salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), établi à environ 55 euros.

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Une chambre chez l’habitant pour 69 euros par mois

Mais les fins de mois sont souvent très difficiles. « Je n’arrive pas à m’en sortir, la vie à Dakar est beaucoup trop chère », soupire Seydou, qui ramène le seul salaire du foyer.

La famille vit donc très frugalement : avec sa fille et sa femme, ils se partagent une chambre exiguë avec salle de bain chez l’habitant, pour près de 69 euros par mois. Une somme à laquelle il faut rajouter 13 euros de factures d’eau et d’électricité.

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La répartition des dépenses de Seydou :

La nourriture est son principal poste de dépense. Le foyer y consacre 152 euros par mois. « Je mange souvent dehors », explique Seydou. Le transport grignote aussi ses fins de mois. D’autant que le journaliste prend souvent le taxi pour couvrir au plus vite un événement, même si « certains organismes remboursent parfois la course des journalistes présents lors des conférence de presse », explique-t-il, en référence à une pratique répandue sur le continent.

Au moins 91 euros pour la famille

À ces dépenses, s’ajoutent ensuite les sommes envoyées à sa famille. Chaque mois, il vire 76 euros à sa mère, qui élève depuis un an son jeune fils resté au Mali. Sa belle-mère reçoit également 15 euros. Issu d’une famille nombreuse, il arrondit aussi parfois les fins de mois de ses frères et sœurs.

Quand son salaire mensuel ne lui permet pas de faire vivoter sa famille, il emprunte à un ami, qu’il rembourse quand la paye est plus confortable. Dans ces conditions, « impossible d’épargner, mon compte est souvent vide », constate-t-il.

Impossible aussi de rentrer au Mali aussi souvent que le couple le voudrait. « La dernière fois, c’était il y a six mois pour les funérailles de mon beau-père », se souvient Seydou. Avec sa femme, il n’a pourtant qu’un « seul but » : franchir pour de bon la frontière et retrouver son fils.

Le prénom a été modifié à la demande de l’intéressé.

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