Infrastructures portuaires : un retard lourd de conséquences pour Abidjan ?
Deux fois reportés, les travaux d’extension du port ivoirien ont finalement démarré. Il y a urgence : la plateforme perd du trafic et un autre grand chantier l’attend, celui de ses voies d’accès…
D’abord prévu pour le premier semestre 2014, avant d’être reporté à la même période l’année suivante, le lancement des travaux d’extension du port d’Abidjan a finalement eu lieu le 6 octobre, à quelques jours de l’élection présidentielle. Un grand chantier qui comprend l’élargissement du canal de Vridi – la porte d’entrée du port –, la réalisation d’un deuxième terminal à conteneurs (TC2) et l’approfondissement du tirant d’eau de 11,5 à 16 mètres.
Ce retard au démarrage est lié à la mobilisation de tous les financements. Le coût des travaux devrait avoisiner 2 milliards de dollars (1,8 milliards d’euros), dont 1 milliard à la charge du port. La Chine, qui en finance une partie, a décaissé via Eximbank une enveloppe de plus de 900 millions de dollars dans le cadre d’un prêt à l’État ivoirien. Et c’est l’entreprise China Harbour Engineering Company, qui a déjà fait ses preuves dans le port de Kribi, au Cameroun, qui sera chargée du gros œuvre. Le projet doit permettre au port d’Abidjan d’augmenter son trafic et surtout de mettre à niveau ses installations, incapables d’accueillir les gros navires qui accostent désormais en Afrique de l’Ouest.
Le retard pris pour la réalisation du TC2 ne semble néanmoins pas alarmer l’autorité portuaire d’Abidjan. « Le contrat signé avec Bolloré nous permet de mettre les infrastructures du TC2 à sa disposition en février 2019 pour une exploitation au plus tard en 2021 », explique un membre de la direction générale du port.
Trafic
À la fin des travaux, le traitement des conteneurs devrait passer de 1,2 million à 3,7 millions de conteneurs équivalent vingt pied (EVP). Le port vise un trafic de marchandises de 52 millions de tonnes à l’horizon 2029 pour un chiffre d’affaires de 250 milliards de F CFA (381 millions d’euros) contre une vingtaine de millions de tonnes actuellement. Le chantier porte également sur la modernisation et l’extension du terminal roulier exploité par la société Terra.
Certaines infrastructures, comme le terminal minier et le port de pêche, ont déjà connu de grands chantiers. Reste qu’en attendant la fin du gros œuvre, le port d’Abidjan perd du trafic, notamment au profit de Lomé, où de plus en plus de marchandises sont transbordées. Sans compter la concurrence de Tema au Ghana, qui bénéficiera de 1,5 milliard de dollars d’investissement d’ici à 2018. « Le risque est que la capitale économique ivoirienne devienne un port de second plan », estime un expert.
Grille tarifaire
Autre inquiétude : l’engorgement des voies d’accès avec l’augmentation du trafic. Selon des études commandées par le port, 4 000 camions en moyenne entrent sur le site chaque jour, causant d’énormes bouchons sur la seule artère qui relie la plateforme aux autres axes routiers. « Créer de nouvelles voies de circulation est incontournable, admet Hien Sié, le directeur général du port autonome d’Abidjan. La compétitivité d’un port ne se résume pas qu’à la qualité des infrastructures d’accueil des navires mais résulte d’une analyse multicritères prenant en compte la qualité des voies de pré et post-acheminement ».
La Banque mondiale et la BOAD se sont engagées à financer ces travaux, dont un échangeur entre le boulevard de Marseille et la plateforme. Un chantier décisif pour concrétiser l’ambition d’Abidjan : devenir le port numéro un entre le Maroc et l’Afrique du Sud. Mais le chemin sera long car, au-delà des infrastructures, il doit revoir sa grille tarifaire, qui fait grincer des dents les opérateurs. Au premier semestre, le Premier ministre, Daniel Kablan Duncan, a lancé une étude sur la compétitivité du port. Les résultats n’ont pas encore été rendus publics…
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