RDC : comment le Front citoyen 2016 compte empêcher le « glissement » du calendrier électoral
À une année de la fin du second et dernier mandat de Joseph Kabila, des partis d’opposition et des associations de la société civile ont lancé samedi un Front citoyen 2016. Qu’en est-il vraiment et comment compte-t-il barrer la route au président congolais qui appelle à un nouveau dialogue politique ?
À Kinshasa, le bras de fer est plus que jamais engagé. D’un côté, le président Joseph Kabila et la majorité au pouvoir, plutôt favorables à un « glissement » du calendrier électoral, et de l’autre, une bonne frange d’opposition et de la société civile qui tient mordicus à la tenue des élections législatives et présidentielle dans les délais constitutionnels, soit au plus tard fin novembre 2016.
Problème : de l’avis de beaucoup d’observateurs avisés, il paraît quasi-impossible d’organiser ces scrutins dans les délais fixés par la Constitution. Toutes les échéances prévues dans le calendrier global des élections n’ont pas été tenues.
« Le pays a pris trop de retard : le fichier électoral n’a toujours pas été nettoyé, les nouveaux majeurs ne sont pas enregistrés et le financement des élections n’est pas disponible », note un expert électoral congolais, membre de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Ce qui fait dire à certains au sein de la coalition au pouvoir qu’il faudrait « entre 2 et 4 ans pour organiser de bonnes élections en RDC ».
Kabila appelle au dialogue, le Front citoyen 2016 répond élections
En attendant, que va-t-il se passer ? Joseph Kabila appelle au dialogue, notamment pour mettre en place un « processus électoral authentiquement congolais », avec des « modalités de vote peu coûteuses ». La piste d’un scrutin électronique révélée début décembre à Jeune Afrique par son conseiller diplomatique, Bernabé Kikaya Bin Karabi, a été confirmée quelques jours plus tard par le chef de l’État congolais lui-même lors de son discours sur l’état de la nation.
Mais les principaux regroupements de l’opposition boudent ce nouveau forum. Depuis le 19 décembre, ils se sont même associés avec d’autres associations de la société civile et des personnalités publiques pour lancer le Front citoyen 2016. Un « rassemblement inclusif de citoyens (…) qui [s’engage] à militer pour le strict respect de la Constitution », peut-on lire sur le communiqué annonçant la création de la plateforme.
Un « plus large regroupement socio-politique »
À quelques exceptions près, on y trouve tous les poids lourds d’une opposition congolaise en pleine métamorphose : Moïse Katumbi, dernier gouverneur de l’ex-Katanga, Vital Kamerhe, ancien président de l’Assemblée nationale, Félix Tshisekedi, fils de l’opposant historique Étienne Tshisekedi, Ève Bazaiba, secrétaire générale du Mouvement de libération du Congo (MLC, parti de Jean-Pierre Bemba), Martin Fayulu, leader des Forces acquises au changement (FAC). Mais aussi des représentants d’ONG des droits humains (Asadho et Amis de Nelson Mandela notamment) et de mouvements citoyens, Lutte pour le changement (Lucha) et Filimbi qui joue un rôle de relais du regroupement en Europe.
Des discussions sont en cours pour l’adhésion du « G7 » (groupe de frondeurs éjectés de la majorité) dans ce « plus large regroupement socio-politique de l’histoire de la RDC de ces 25 dernières années », selon une source proche du dossier. Alors que l’opposition dite « républicaine » qui participe déjà au gouvernement, s’est dite favorable au dialogue préconisé par le président Kabila, le Front citoyen 2016 rassemble en effet tous ceux qui considèrent ce nouveau rendez-vous comme une manœuvre pour prolonger le bail du chef de l’État à la tête du pays.
Un front pour les élections démocratiques et l’alternance dans les délais constitutionnels
« Nous n’avons pas constitué un front anti-dialogue mais un front pour les élections démocratiques et l’alternance dans les délais constitutionnels », souligne Yangu Kiakwama, porte-parole du collectif Filimbi. À en croire ce militant prodémocratie en exil, le Front citoyen 2016 ne se préoccupe pas de la tenue, ou non, du dialogue proposé par Kabila. « Pour nous, l’essentiel réside dans l’organisation des scrutins constitutionnellement obligatoires – les législatives et la présidentielle – avant la fin de l’année 2016 », martèle-t-il.
« C’est pourquoi le front citoyen 2016 exige que le processus électoral soit débloqué : un nouveau calendrier électoral consensuel doit être publié par la Ceni – qui doit faire son travail – au plus tard le 31 janvier 2016 et la mise à jour du fichier électoral doit commercer au plus le 10 février », rappelle Yangu Kiakwama.
Reconnaissant une « conjonction de vue » avec la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), même si cette dernière n’a pas adhéré à la plateforme, le Front citoyen 2016 a « fait sien l’appel lancé par la Cenco » notamment en ce qui concerne « la marche pacifique de tous les chrétiens, le 16 janvier, pour consolider la démocratie ».
En 1992, une manifestation similaire, organisée 24 ans jour pour jour pour réclamer la réouverture de la Conférence nationale souveraine (CNS), avait été violemment réprimée par le régime de Mobutu. Beaucoup craignent déjà que l’histoire ne se répète sous l’ère Kabila.
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