France : la foire d’art contemporain africain AKAA aura finalement lieu en… 2016
Victoria Mann, la créatrice d’AKAA, se veut confiante : après avoir annulée la première édition de sa foire suite aux attentats commis à Paris, elle entend bien rebondir. Avec une équipe remaniée.
Inspirée de 1 : 54, la première foire africaine d’art contemporain programmée en France devait avoir lieu au début du mois de décembre au Carreau du Temple (Paris). Après bien des hésitations, AKAA (Also Known As Africa) a dû jeter l’éponge et renoncer à sa première édition, la mort dans l’âme : les attentats qui venaient tout juste de frapper la capitale française rendaient le climat peu propice aux affaires. « Cela a été une décision difficile à prendre, une vraie déception personnelle, mais je reste convaincue que c’était la meilleure solution », confie Victoria Mann, la jeune fondatrice d’AKAA
Timothée Chaillou, le directeur artistique controversé
Un point de vue qui n’est pas partagé par tout le monde. Par le truchement d’un mail envoyé aux rédactions, le directeur artistique Timothée Chaillou a annoncé avec fracas son départ : « Ni consulté sur le report de la foire, ni sur la réorganisation de l’équipe autant que sur les décisions liées à ma fonction, cette démission s’est imposée à moi », écrit-il.
Certaines galeries ont elle aussi fait savoir qu’elles n’appréciaient pas les méthodes employées. Ainsi, Pascale Revert de la Galerie londonienne 50 Golborne lui a-t-elle répondu : « Le manque de consultation dont vous avez souffert a été ressenti à un moindre niveau par notre galerie, prévenue de l’annulation seulement six jours avant la date d’accrochage des œuvres, alors que celles-ci étaient en cours de livraison ou de transport pour Paris, suscitant des investissements maintenant gâchés. En ce qui concerne la date de report, il n’y a pas eu de consultation non plus avec les galeries. »
Réponse de Victoria Mann : « Certaines galeries avaient en effet lancé des frais… Je reconnais que ce n’est pas une situation idéale, mais nous avons pris notre décision en évaluant les alternatives et choisit celle qui protégeait au mieux nos exposants. Nous remboursons tout le monde, nous ne retenons aucune trésorerie en otage. » Reconnaissant que le choc financier est important pour AKAA, Victoria Mann refuse de dévoiler le montant des pertes liées à l’annulation de dernière minute. « C’est une perte importante, même si, en première année, on s’attendait déjà à un déficit. »
Romuald Hazoumé, le redresseur de torts
En ce qui concerne la démission de Timothée Chaillou, Victoria Mann avoue diplomatiquement qu’elle n’entendait pas poursuivre avec lui une expérience à ses yeux peu concluante : « Je n’avais pas l’intention de renouveler son contrat, parce que je n’estimais pas nécessaire d’avoir une codirection artistique de la foire. La décision d’annuler a été prise rapidement et quand nous avons essayé de le joindre, il était aux abonnés absents, parti en week-end… Je trouve néanmoins dommage dans des circonstances pareilles d’utiliser cette excuse pour justifier une décision personnelle.»
Très présent dans les réseaux africains ces dernières années, Chaillou n’en est pas à sa première controverse. Critiqué pour sa gestion opaque du prix Orisha, dont il est le créateur avec Nathalie Miltat, Chaillou a récemment fait l’objet d’une attaque en règle menée par le pape de l’art contemporain béninois, Romuald Hazoumé. Alors qu’il était reproché à la famille Zinsou d’être juge et partie dans l’attribution de ce prix au Béninois Kifouli Dossou, Timothée Chaillou se voit aujourd’hui tancé pour avoir proposé un contrat douteux à l’artiste dans le cadre d’une exposition en France au sein de la galerie de Patricia Dorfmann. Lui évoque un « document de travail » qui n’était pas un « contrat définitif », mais la foudre de Romuald Hazoumé, qui s’est fait le porte-parole de Dossou, trouve de larges échos. « Vous devez savoir que Miltat, Chaillou et Dorfmann viennent compléter la longue liste de ceux qui n’ont rien à faire avec les artistes africains », tonne le plasticien connu pour ses masques-bidons.
Kifouli Dossou, le grand perdant
Au-delà des accents orageux de la polémique, le plus regrettable est sans doute que, faute d’un accord de paix entre les parties, Kifouli Dossou ne fera pas les expositions prévues par le prix Orisha, en France et au Bénin. Chaillou, lui, rebondit déjà et annonce rien moins qu’« une grande exposition collective dans deux des châteaux de Gondar, en Ethiopie », le lancement d’une plateforme de vente d’œuvres d’art et de multiples de créateurs africains ainsi qu’une vente aux enchères à New York, en septembre…
De son côté, Victoria Mann entend aussi aller de l’avant avec AKAA. « On va pouvoir rebondir, assure-t-elle. Tous nos partenaires continuent de nous accompagner, y compris le Carreau du Temple et nos sources de financement bancaires. Il y aura des événements toute l’année et l’édition 2016 n’en sera que plus forte et plus belle. » Cette dernière aura lieu, si tout va bien, en même temps que Paris Photo, du 11 au 13 novembre 2016. Raccourcie d’une journée, l’édition sera pilotée par la commissaire franco-sénégalaise Salimata Diop pour la direction artistique.
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