Alain Le Noir : « Je ne suis pas sûr que les banques africaines ne prêtent pas suffisamment »

Ouagadougou accueille les 4 et 5 février les journées annuelles du Club des dirigeants africains de banques et établissements de crédit. À cette occasion, et alors que paraît un ouvrage afro-optimiste sur le rôle des banques dans le développement qu’il a co-dirigé, Alain Le Noir, fondateur et conseil spécial du président du Club, répond aux questions de « Jeune Afrique ».

Siège de Coris Bank à Ouagadougou, en novembre 2014. © DR

Siège de Coris Bank à Ouagadougou, en novembre 2014. © DR

Publié le 5 février 2016 Lecture : 3 minutes.

Ouagadougou accueille les 4 et 5 février les journées annuelles du Club des dirigeants africains de banques et établissements de crédit. Placée sous le thème « le paysage des moyens de paiement, une révolution mondiale : enjeux pour les banquiers africains », cette rencontre, qui rassemble 60 banquiers, se tient dans un contexte où les banques du continent sont parmi les plus rentables au monde [+24 % de rendement moyen]. À cette occasion, ils partagent leurs expériences pour accélérer le taux de bancarisation estimée à 29 % dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (Uemoa), selon une estimation de la Banque centrale de la zone en 2014.

Y sera également présenté un ouvrage  afro-optimiste intitulé « Banque et Finance en Afrique: les acteurs de l’émergence », alors que l’engouement ne tarit pas pour la banque mobile, les transferts et les paiements électroniques. Ce livre collectif de 410 pages fait une synthèse féconde sur le rôle de la finance et surtout de la banque dans le financement du développement de l’Afrique.

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Alain Le Noir, fondateur et conseil spécial du président du Club a dirigé avec Dhafer Saïdane de l’Observatoire international de la finance durable (rattaché au centre de recherche de la Skema, l’école de commerce française), la rédaction de l’ouvrage. Il rejette l’idée souvent répandue, à tort ou à raison, selon laquelle les banques africaines prêtent peu ou pas. Interview.

Présenter un aperçu de ce que pourrait devenir la banque en Afrique dans les dix voire quinze prochaines années.

Jeune Afrique: L’ ouvrage édité par les dirigeants africains de banques et intitulé “Banque et Finance en Afrique : Les acteurs de l’émergence” est dépeint comme de l’afro-optimisme. Qu’est ce qui explique l’enthousiasme des  banquiers ?

Alain Le Noir : Ce n’est pas le terme enthousiasme qui convient. Optimisme, oui, car fondé sur les réalités actuelles de la banque. Jeune Afrique en a fait écho dans son classement annuel des banques. Le constat est indubitablement positif : les banques africaines se portent bien en dépit de quelques difficultés dans certains pays. À partir de ce constat que nous faisons sur la bonne santé du secteur en Afrique, notre ouvrage tente de présenter un aperçu de ce que pourrait devenir la banque en Afrique dans les dix voire quinze prochaines années. Il tire son optimisme de la situation des banques aujourd’hui. Par contre, il reste beaucoup à faire, notamment pour mieux satisfaire les besoins des acteurs économiques. J’entends par là principalement les entreprises. Ce défi ne résulte pas seulement des banques, il incombe également aux autorités politiques et monétaires (aux régulateurs et aux banques centrales) ainsi que tous ceux qui légifèrent et réglementent la profession.

Le paysage bancaire africain est néanmoins marqué par l’arrivée de nouveaux modes de recrutement des clients comme le mobile banking,  les paiements électroniques ou encore le concept d’agence mobile déployée par Coris Bank au Burkina et Manko au Sénégal. D’où vient cette tendance?

Ces innovations répondent à une réalité du développement de l’usage du téléphone en Afrique. Le continent est tout à fait en pointe sur ce segment et le portable devient un support dont les banques se servent comme outil de paiement. Il est évident que la rude concurrence entre banques pousse également à cette tendance. Vous avez vu au Burkina Faso l’évolution rapide du secteur. En dix ans, le nombre de banques a doublé. Ce doublement amène un renforcement de la concurrence et des initiatives pour proposer à la clientèle ce que les autres ne font pas. « Faire plus et mieux pour augmenter ses parts de marché », tel est le nouveau crédo qui s’applique et va continuer à s’appliquer.

Pas automatiquement des disparitions mais des fusions.

L’innovation et la technologie sont l’avenir de la banque africaine…

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Oui, je le pense. Dans la proposition de services et produits, les banques continueront d’innover à l’image d’autres secteurs. Par contre, nous risquons dans un avenir proche d’assister à un mouvement de restructuration. Dans la zone Uemoa, la banque centrale vient de doubler le capital minimum imposé aux banques commerciales. Et les petites entités n’auront pas forcément les moyens pour répondre à cette exigence. Il ne s’agira pas automatiquement de disparitions mais de fusions.

Pourquoi, selon vous, les banques africaines ne prêtent pas assez alors qu’elles ont beaucoup de réserves ?

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Je ne suis pas sûr que les banques africaines ne prêtent pas suffisamment. Elles ont effectivement beaucoup de réserves. On dit qu’elles sont liquides, autrement dit qu’elles ont plus collecter des ressources parce qu’elles n’ont pas fait de crédit. Pour moi, cette attitude résulte d’une simple précaution et de prudence. L’inverse aurait été dangereux. Il est indispensable que les banques disposent d’un volet suffisant de liquidité. Celui-ci garanti, les banques africaines prêtent et elles doivent le faire.

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