Warid Côte d’Ivoire aux abonnés absents

Arrivé en fanfare à abidjan en 2008, le Groupe Abu Dhabi devait s’imposer avec sa filiale ivoirienne. Seize mois plus tard, l’entreprise semble au bord du gouffre.

Publié le 23 mars 2010 Lecture : 3 minutes.

Tous les ingrédients étaient pourtant réunis pour que la filiale ivoirienne du groupe Warid rivalise avec les géants Orange et MTN. En novembre 2008, la maison mère, le Groupe Abu Dhabi, a déjà racheté la licence provisoire de dix ans obtenue en décembre 2005 par le consortium local Celcom et convertie en licence de vingt ans. Un capital de 30 milliards de F CFA (45 millions d’euros) est libéré. Une somme suffisante, selon les experts, pour se lancer.

Factures et loyers impayés

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Dès juin 2008, des cadres de haut niveau sont débauchés chez les « futurs concurrents ». Une équipe projet de 174 personnes, dont 23 expatriés pakistanais, est formée. Un contrat est signé avec l’opérateur chinois Huawei, qui doit livrer un réseau clé en main à l’opérateur. Des pylônes sont déjà installés sur 70 des 448 sites prévus quand Huawei arrête les travaux et bloque une partie des équipements dans ses magasins d’Abidjan. Motif ? Sur la facture de 18 milliards de F CFA présentée, seul un acompte de 8 milliards de F CFA a été payé. Contre toute attente, l’opérateur contrôlé par le Cheikh Nahyan Ibn Mubarak Al Nahyan, prince d’Abou Dhabi, ne paie pas ses dettes. Trois fois de suite, l’entreprise est expulsée des locaux qu’elle occupe pour loyers impayés. Factures téléphoniques, cotisations sociales, frais de douane, redevances à payer au Trésor public et à l’Agence de télécommunications de Côte d’Ivoire (régulatrice du secteur), location des sites où sont installés les équipements techniques, mobilier… Selon des documents comptables internes, Warid Côte d’Ivoire SA ployait, fin 2009, sous une dette de près de 43 milliards de F CFA.

Le syndicat des employés met en cause l’encadrement pakistanais. De fait, le responsable du pôle télécommunications du Groupe Abu Dhabi, Bashir Tahir, est originaire du Pakistan, et ses compatriotes occupaient les postes stratégiques de la filiale ivoirienne. Son directeur général, Khan Faruk Hayat, est accusé par les responsables syndicaux de « malversations ». Des documents dont Jeune Afrique a obtenu copie suscitent des interrogations. Le 14 mai 2008, 11,9 milliards de F CFA sont déposés sur des comptes de Warid Côte d’Ivoire SA, dans le cadre de l’augmentation de capital. Le 10 juillet 2008, cette coquette somme est redirigée sur le compte d’une autre société, Warid Telecom Côte d’Ivoire LLC, dont le siège se trouve à… Abou Dhabi. Autre opération intrigante : officiellement dans le cadre de la négociation de l’extension de la période de la licence rachetée par Warid, 1,4 milliard de F CFA sont virés sur le compte d’une société inconnue, OBA Consulting CI, dont la seule référence est un numéro de téléphone qui n’est pas en service.

Détournements

Tous les expatriés pakistanais ont quitté le navire, s’octroyant au passage de généreuses indemnités de départ. Derniers en date : au cours des deux derniers mois, le directeur général et le directeur des ressources humaines Malik Farook ont quitté la Côte d’Ivoire avec leurs familles. « Ils ont détourné l’argent du prince, ruiné l’entreprise et disparu dans la nature », grondent les salariés.

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Fin de partie pour Warid Côte d’Ivoire ? La question est d’autant plus légitime que le Groupe Abu Dhabi se retire sur la pointe des pieds du secteur des télécoms. En novembre 2009, le groupe indien Essar a racheté 51 % de Warid au Congo et en Ouganda. En janvier 2010, l’indien Bharti Airtel a annoncé le rachat de 70 % de Warid Bangladesh. Jamais valorisée, percluse de dettes, la filiale ivoirienne trouvera-t-elle repreneur ? Le Groupe Abu Dhabi n’a encore rien fait savoir de ses intentions. « Peut-être que le prince aura un sursaut d’orgueil et nous paiera au moins nos arriérés de salaires et droits divers », soupire un cadre local.

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