Congo-Brazzaville : ce qu’il faut savoir sur le nouveau gouvernement

Près d’un mois après la confirmation de sa victoire dès le premier tour par la Cour constitutionnelle, le président congolais Denis Sassou Nguesso a mis sur pied samedi un nouveau gouvernement dit « de rupture ». Que faut-il en retenir ?

Denis Sassou Nguesso, le président congolais, à Beijing, le 12 juin 2014. © Wang Zhao/AP/SIPA

Denis Sassou Nguesso, le président congolais, à Beijing, le 12 juin 2014. © Wang Zhao/AP/SIPA

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Publié le 3 mai 2016 Lecture : 5 minutes.

Le premier gouvernement de la nouvelle République

À l’issue d’un référendum constitutionnel boycotté par une bonne frange de partis d’opposition, le Congo-Brazzaville a adopté le 25 octobre une nouvelle Loi fondamentale, promulguée début novembre par Denis Sassou Nguesso (DSN), alors président sortant. Une nouvelle République est ainsi née, avec à la clé un exécutif désormais bicéphale, le poste de Premier ministre étant réhabilité.

C’est d’ailleurs grâce à la Constitution du 25 octobre que la présidentielle, prévue initialement au mois de juillet, a été finalement anticipée et organisée le 20 mars. DSN en est sorti vainqueur dès le premier tour avec 60,19 % des suffrages exprimés, selon les résultats définitifs validés par la Cour constitutionnelle. Un Premier ministre, Clément Mouamba, a été nommé le 23 mars. La première équipe de la nouvelle République a été formée le 30 avril. Le gouvernement compte 38 ministres, contre 35 dans le précédent.

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Un gouvernement qui se veut « de rupture »

Lors de son discours d’investiture le 16 avril, le président Denis Sassou Nguesso avait appelé ses compatriotes à créer ensemble « la rupture avec les mentalités déviantes et les comportements pervers du passé », pointant entre autres le laxisme, l’irresponsabilité, la corruption, la fraude, la concussion, le népotisme et la tendance à la gabegie de certains responsables.

Des Congolais attendaient en effet de voir les premiers effets de cette « rupture » à travers la formation du nouveau gouvernement. En dehors du Premier ministre Clément Mouamba, aucun membre du gouvernement – sortant ou entrant – n’a été consulté. Tous ont appris leur nomination, leur maintien ou leur éviction, le samedi 30 avril au soir lors de la lecture du décret présidentiel par Firmin Ayessa, directeur du cabinet du chef de l’État.

Dans la nouvelle équipe, une dizaine de personnalités, pour la plupart réputées proches du président, n’ont pas été reconduites. Des grands baobabs de la scène politique congolaise sont tombés. C’est le cas notamment de Rodolphe Adada, plusieurs fois ministre depuis 1977 (notamment aux Affaires étrangères, au Développement industriel, aux Transports).

Rodophe Adada, proche du président Denis Sassou Nguesso et ancien ministre congolais des Transports. © Baudouin Mouanda/J.A.

Rodophe Adada, proche du président Denis Sassou Nguesso et ancien ministre congolais des Transports. © Baudouin Mouanda/J.A.

DSN se sépare également du général Florent Ntsiba, jusqu’ici ministre d’État à la Sécurité sociale. Poids lourd lui aussi des régimes Sassou 1 et 2, cet officier supérieur est un compagnon historique du président congolais. Il a d’ailleurs été le chef de cabinet de Denis Sassou Nguesso lorsque ce dernier était ministre de la Défense du président Marien Ngouabi.

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Même sort réservé aux ministres d’État Aimé Emmanuel Yoka (Justice), personnalité incontournable jusqu’ici de tous les  gouvernements depuis Sassou I, et Isidore Mvouba (Développement industriel), qui était considéré depuis des années comme la « caution du Pool ». C’est d’ailleurs ce cacique du Parti congolais du Travail (PCT, au pouvoir) qui occupait le bureau relevant de la primature.

Quelques départs à signaler

Outre les caciques du PCT évincés, DSN a également remercié quelques personnalités de l’ancien gouvernement. Il s’agit notamment d’Emilienne Raoul, veuve du général Alfred Raoul, qui a dirigé le pays pendant presque six mois, entre le 5 septembre 1968 et le 1er janvier 1969.

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François Ibovi n’a pas non plus été reconduit. Membre du bureau politique du PCT, le désormais ancien ministre de la Santé et de la Population et ex-titulaire des portefeuilles de la Communication et de l’Intérieur,  a été pendant 20 ans député d’Oyo, dans le département de la Cuvette avant de laisser la circonscription à Denis Christel Sassou Nguesso lors des dernières législatives de 2012.

Un autre départ à signaler est celui Bienvenu Okiemy qui quitte le gouvernement après avoir été successivement ministre de la Communication  puis de la Culture et des Arts. Le Lari Bernard Tchibambelela, cadre du Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI, parti créé par l’ancien Premier ministre Bernard Kolélas), n’est pas non plus maintenu à la Pêche et à l’Aquaculture.

Des incontournables restent en place mais…

Quelques réajustements sont à relever également du côté des incontournables qui restent au gouvernement. En charge du stratégique ministère de l’Économie forestière depuis près de 20 ans, Henri Djombo est promu ministre d’État à l’Agriculture.

Henri Djombo, nouveau ministre d'État congolais en charge de l'Agriculture. © Vincent Fournier/JA

Henri Djombo, nouveau ministre d'État congolais en charge de l'Agriculture. © Vincent Fournier/JA

Autre baobab survivant : Pierre Oba reste aux Mines et à la Géologie. Idem pour Charles Richard Mondjo à la Défense et Raymond Zéphyrin Mboulou à l’Intérieur. Alors qu’Alain Akoula dit le « cerveau bleu » fait son grand retour aux Zones économiques spéciales après que la France a refusé de le voir à Paris comme ambassadeur. Le ministre d’État Gilbert Ondongo voit lui son champ d’activités quelque peu réduit à l’Économie, au Développement industriel, à la Promotion du secteur privé alors qu’il s’occupait jusqu’ici de l’Économie, des Finances, du Budget et du Portefeuille public. Ces trois dernières attributions ont été confiées à un nouvel entrant : Calixte Ganongo, originaire d’Oyo, qui représentait jusqu’ici l’État au sein de Société nationale des pétroles du Congo (SNPC).

Même si son ministère n’est plus attaché à la présidence de la République, Jean Jacques Bouya se maintient à l’Aménagement du territoire et aux Grands travaux. Il en est de même du Ponténégrin Jean-Marc Thystère Tchicaya aux Hydrocarbures et d’Euloge Landry Kolélas. En conflit ouvert avec son frère Parfait, arrivé deuxième lors de la présidentielle du 20 mars, le président du MCDDI garde le même ministère du Commerce légèrement redéfini. Enfin, très actif pendant les périodes mouvementées du référendum et de l’après présidentielle du 20 mars, Thierry Lezin Moungalla reste le porte-parole du gouvernement, conserve la Communication et les Médias mais perd les Relations avec le Parlement.

Main tendue aux femmes, à la société civile et à « l’opposition modérée »

C’est une première sous l’ère Sassou : 8 ministres sur les 38 nommés sont des femmes. L’on y trouve entre autres Rosalie Matondo qui hérite l’important ministère de l’Économie forestière, ancienne chasse-gardée d’Henri Djombo. Au Tourisme et aux Loisirs, DSN a fait confiance à Arlette Soudan Nonault, une ancienne journaliste à Radio Congo qui a fait ses premières armes en politique aux côtés de Claudine Munari, ex-directrice de cabinet du président Lissouba, dont elle fut la chargée de communication avant de rejoindre le PCT en 2008 et d’en gravir les échelons jusqu’à devenir membre du bureau politique. La nouvelle ministre est par ailleurs l’épouse de François Soudan, directeur de rédaction de Jeune Afrique.

Le domaine des Relations avec le Parlement occupe désormais tout un ministère, confié à Digne Elvis Okombi Tsalissa de l’Union pour le mouvement populaire, un des jeunes qui ont soutenu à travers leurs collectifs et organisations le projet de changement de la Constitution du pays. Idem pour Leonidas Carel Mottom Mamoni et Destinée Ermela Doukagabombardés respectivement ministre de la Culture et des Arts et ministre de la Jeunesse et de l’Éducation civique.

À noter enfin l’arrivée d’Olga Ebouka Babackas, membre de la direction nationale de campagne présidentielle de Denis Sassou Nguesso, qui est quant à elle nommée ministre du Plan, de la Statistique et de l’intégration Régionale. Elle est par ailleurs la fille de l’ancien ministre Édouard Ebouka-Babackas.

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