Minerais et pétrole : les défis structurels de la Tunisie
Peu de ressource, peu de transparence et peu d’incitation. C’est le constat sans concession établi mardi lors de la conférence sur les investissements directs étrangers (IDE) dans les industries extractives organisée à l’IACE (Instauring an Advocacy Champion for Economy), un think tank libéral.
« L’insécurité, la fiscalité importante, la difficulté d’extraction des potentiels réserves, le retard d’investissement dans les hydrocarbures non conventionnels sont les principaux freins qui empêchent la Tunisie d’être attractive pour les investisseurs étrangers », résume Radhi Meddeb, PDG fondateur du bureau de cabinet d’ingénierie Comete Engineering.
De 50 à 25 entreprises extractives étrangères actives
Les entreprises étrangères dans le secteur de l’industrie extractive (minerais et hydrocarbures) sont passées d’ « une cinquantaine en 2010 à moitié moins aujourd’hui », constate Olfa Soukri Chérif, députée (Nidaa Tounes) membre de la commission des finances.
Une désertion qui se manifeste dans les chiffres : les IDE représentent 55% des investissements dans le domaine des hydrocarbures, contre 65 à 70% avant 2011.
« Aucun permis d’extraction n’a été délivré depuis 2013 », se désole Ridha Bouzaouada, directeur général de l’Energie au sein du ministère de l’Industrie. La production de phosphate, principale richesse minérale, connaît la même déconvenue. Elle a baissé de près de 60% passant de 8,5 millions de tonnes en 2010 à environ 3,5 millions de tonnes actuellement. Le directeur général annonce une refonte du code minier et des hydrocarbures avec la possibilité d’une baisse de la fiscalité.
De faibles réserves et peu d’incitations
La Tunisie présente un double inconvénient pour les investisseurs : celui d’un pays aux réserves limitées et à la fiscalité peu incitative. Les réserves pétrolières sont estimées par le Global Petroleum Survey à 855 millions de barils équivalent pétrole (contre 23,9 milliards de barils équivalent pétrole pour le Texas) en 2015, et les réserves en phosphates s’élèveraient à 100 millions de tonnes métriques selon l’institut géologique américain, soit 20 fois moins que l’Algérie.
Concernant le manque d’incitation financière, une étude du Global Petroleum Survey de 2015 avance que seulement 15% des dirigeants de compagnies pétrolières considèrent que la politique fiscale tunisienne encourage les investissements.
Selon la même étude, seules l’Algérie, l’Angola et la Libye font moins bien sur ces critères fiscales mais ces pays figurent parmi les principales réserves d’or noir du monde ce qui les rend plus attractifs que la Tunisie. Ainsi, l’État tunisien récupère 80% du revenu sur la vente d’un baril de pétrole, les entreprises exploitantes touchent les 20% restants.
La passivité du secteur public mise en cause
Le manque d’implication des pouvoirs publics a également été pointé du doigt : « C’est l’entreprise privée qui doit financer tous les coûts jusqu’à la découverte du gisement ; l’Entreprise Tunisienne d’Activités Pétrolières (ETAP), la compagnie nationale pétrolière, n’apporte aucune aide », se plaint un expert du secteur présent à la conférence.
Les multiples mouvements sociaux, qui ont touché notamment la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) et le britannique Petrofac, ont également contribué à la baisse d’attractivité. Ces raisons, couplées à la baisse du prix du pétrole, expliquent le manque d’entrain des entreprises étrangères à investir en Tunisie.
Davantage de transparence à venir à même d’attirer les investisseurs ?
Seule perspective positive pointée par les participants à la conférence : la Tunisie s’apprête à intégrer l’ITIE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives), norme mondiale chargée de promouvoir une gestion responsable des ressources naturelles.
« Au sommet de Londres contre la corruption, le ministre de la gouvernance [Kamel Ayadi] s’est engagé à faire entrer la Tunisie dans l’ITIE, a expliqué Kais Mejri, responsable de la gouvernance au ministère de l’Industrie. La Tunisie avait déjà fait une demande en 2012 « mais l’instabilité politique du fait de la transition démocratique a empêché cette adhésion », précise Kais Mejri.
L’ITIE prévoie notamment une plus grande transparence des données et des informations concernant les contrats pétroliers, luttant ainsi contre la corruption. Le gouvernement espère ainsi attirer les investisseurs étrangers alors que l’Algérie, la Libye ou encore l’Angola ne sont pas membres de l’ITIE. « Nous espérons revenir l’an prochain aux mêmes taux d’IDE qu’avant 2011 », conclut Ridha Bouzaouada.
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