Mohamed Bensaïd Aït Idder : « J’espère que le Polisario entamera une réflexion dans l’intérêt du Sahara»
Le doyen de la gauche marocaine, Mohamed Bensaïd Aït Idder, qui a côtoyé de près les leaders du Front Polisario, donne son point de vue sur l’avenir du mouvement, suite au décès, mardi, de son chef historique Mohamed Abdelaziz.
Ancien opposant de Hassan II, Mohamed Bensaïd Aït Idder est une véritable école politique au Maroc. Celui qui incarne l’âme de la gauche marocaine a combattu dans les rangs de l’Armée de libération nationale du sud, un mouvement qui voulait libérer le Sahara de la colonisation espagnole, et qui comptait dans ses rangs plusieurs combattants sahraouis. Une partie de ces sahraouis allait par la suite remettre en question la souveraineté du Maroc sur ce territoire et créer le Front Polisario. À 91 ans, il commente pour Jeune Afrique les conséquences du décès, le 31 mai, de Mohamed Abdelaziz, leader historique du Front.
Jeune Afrique : À quel changement peut-on s’attendre après la mort de Mohamed Abdelaziz ?
Mohamed Bensaïd Aït Idder : J’espère que le Polisario entamera une réflexion profonde dans l’intérêt du Sahara. Le dossier traverse une période critique et sans accord entre les parties en conflit, il restera comme une épine dans le pied du Maghreb.
Vous avez longtemps combattu dans les rangs de l’Armée de libération marocaine du Sud et avez côtoyé Mohamed Abdelaziz. Que pourriez-vous dire de ce dernier ?
Mohamed Abdelaziz est né au Maroc. Je l’ai connu dans les années 1960 quand il était encore étudiant. Il faisait partie de 70 jeunes sahraouis que l’Armée de libération du sud marocain (ALSM) – créée au milieu des années 1950 pour libérer le Sahara du joug espagnol et dissoute en 1958 par les armées françaises et espagnoles – avait pris sous son aile. L’ALSM s’était occupée de leur scolarité en signe de soutien à nos frères du Sahara qui ont combattu à nos côtés.
À l’époque, tous les combattants marocains, qu’ils soient du Nord ou du Sud, étaient unis autour d’un seul objectif : chasser les Espagnols et permettre au Maroc de recouvrer son unité territoriale. Après avoir obtenu leurs diplômes, certains étudiants sont restés au Maroc et ont intégré la fonction publique. D’autres, comme Mohamed Abdelaziz, estimant que « les conditions nécessaires » pour rester n’étaient pas réunies, ont préféré se mettre sous la tutelle de l’Algérie et créer par la suite le Front Polisario.
Qu’elles étaient ces « conditions nécessaires » pour eux ?
Alors que nous étions pour la réintégration du Sahara dans le giron du Maroc, le groupe de Mustapha Sayed El-ouali soutenait la création d’un État sahraoui.
Pour le Maroc, le Sahara est « une affaire sacrée ». Pour l’Algérie, le droit à l’autodétermination des peuples est un principe irrévocable. Comment concilier ce qui semble être inconciliable ?
Je me demande ce que cherche réellement l’Algérie en voulant torpiller l’intégrité territoriale du Maroc. Est-ce le respect à l’autodétermination des peuples ? Force est de constater que le Sahara s’est beaucoup développé. De grands projets de développement humain y sont actuellement édifiés.
En février, vous étiez à Alger pour participer aux cérémonies du 40ème jour du décès de Hocine Aït Ahmed, votre ancien compagnon de lutte. Avez-vous senti là-bas un quelconque changement au sujet du Sahara ?
Nous avons été reçus en toute fraternité par le bureau politique du Front des forces socialistes (FFS) qui était très enthousiaste à l’idée de créer l’unité maghrébine. Les forces vives de l’Algérie, que ce soit la société civile ou les jeunesses de partis politiques, veulent que le conflit s’arrête.
Le centre de recherche, Bensaïd Aït Idder, qui porte votre nom veut organiser une conférence maghrébine sur le Sahara en y invitant toutes les parties prenantes, y compris le Polisario. N’êtes-vous pas un peu trop optimiste ?
Nous voulons que trois membres du secrétariat national du Front Polisario participent à cette conférence et avons, pour cela, adressé un courrier à leur secrétaire général qui doit les nommer. La balle est maintenant dans le camp de celui qui va succéder à Mohamed Abdelaziz. Il n’est pas dans l’intérêt du Maroc et de l’Algérie de se diviser. Mon vœu le plus cher est que leur conflit, qui n’a que trop duré, cesse.
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