Start-up africaine de la semaine : un carnet de santé mobile pour contrer la mortalité infantile

Djantoli – « veille » en Bambara – permet le suivi à distance de la santé des nourrissons et enfants au Mali et au Burkina. Un service conçu pour endiguer la mortalité infantile et la faible couverture médicale à domicile. 6 000 familles s’y sont abonnées dans les deux pays. L’association espère étendre encore la diffusion de son modèle de soins.

Capture d’écran de l’application Djantoli, en fonctionnement sur un smartphone en juin 2016. © Djantoli

Capture d’écran de l’application Djantoli, en fonctionnement sur un smartphone en juin 2016. © Djantoli

Publié le 14 juillet 2016 Lecture : 4 minutes.

Au Mali et au Burkina, l’association veut s’attaquer aux taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans, encore parmi les plus élevés au monde. Ainsi, on comptait 83 décès d’enfants de moins de cinq ans pour 1 000 naissances au Mali en 2015 selon l’Organisation mondiale de la Santé, et 60 au Burkina Faso, quand la moyenne mondiale s’établit à 43 décès pour 1 000 naissances.

Les familles peuvent souscrire au service, moyennant le paiement d’une contre-partie financière variant entre 500 et 1 200 F CFA par mois (entre 0,7 et 1,8 euros) leur donnant accès à un carnet de santé électronique sur mobile conçu pour le suivi médical des enfants de zéro à cinq ans, ainsi qu’à une sécurité sociale sommaire et des tarifs préférentiels sur certains soins médicaux.

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L’application est, elle, utilisée par plusieurs agents itinérants de santé, recrutés par Djantoli. Ces derniers passent à échéances régulières dans les foyers des familles abonnées, pour suivre l’état de santé de l’enfant et détecter d’éventuelles pathologies.

« Un carnet de santé dématérialisé »

« L’application permet de constituer un carnet de santé dématérialisé pour l’enfant. À chaque visite, on complète son dossier en y indiquant son poids, les symptômes qu’il présente comme la diarrhée, les vomissements ainsi que le suivi vaccinal », explique Anne Roos-Weil, cofondatrice et directrice de Djantoli.

Les agents de terrain y décrivent également les signes visibles de fièvre ou de toux. Autant d’informations ensuite envoyées aux centres de santé partenaires de Djantoli où les dossiers médicaux de chaque enfant sont consultables par des professionnels de santé.

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« Quand je reçois ces données, j’envoie un sms pour dire que tel ou tel enfant est à surveiller ou à convoquer immédiatement pour être consulté », explique Philippe Tassimbedo, responsable du Centre de santé et de promotion sociale de Zagtouli, dans la banlieue de Ouagadougou.

Assurance santé

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Au Mali, le principe est analogue. C’est même là que Djantoli a conduit ses premières expériences en 2008, avant de se structurer sans forme d’une association deux ans plus tard, après avoir été finaliste du Global Social Venture Competition, le prestigieux concours mondial organisé par l’université américaine de Berkeley, en Californie.

Son périmètre était alors limité à deux communes de la capitale Bamako. Un modèle qui a bien grandi depuis. Au total, dans les deux pays, 6 000 enfants sont désormais suivis par Djantoli, et seuls six décès dans les familles inscrites ont été enregistrés, selon les chiffres de l’association.

S’ajoute au suivi médical à distance une forme d’assurance santé à laquelle les familles peuvent également souscrire pour 500 F CFA par mois. Elle leur donne droit à des consultations gratuites et à 50 % de réduction sur les frais des soins médicaux dans cinq centres de santé partenaires de Bamako, à N’Tominkorobougou, Samé ou Badialan par exemple.

« Au Mali, depuis l’instauration du système, les enfants abonnés à Djantoli consultent en moyenne trois fois plus que les autres dans la même zone. Cela montre qu’on facilite le recours aux soins. En plus, les familles viennent vers les centres de santé beaucoup plus tôt et dans des états de santé moins alarmants », précise Anne Roos-Weil.

C’est fort de son succès au Mali que l’association a élargi ses activités au Burkina Faso. Un développement rendu possible par l’encadrement de Pierre Carpentier, le directeur général adjoint des investissements chez le capital-investisseur I&P et de l’ingénieur télécoms Antoine de Clerck, qui est aujourd’hui président de l’association, après des passages chez Orange Mali et Méditel au Maroc.

Répliquer le modèle à grande échelle

Au Burkina, où Djantoli est présent depuis 2013, les activités sont pour l’heure étendues aux quartiers périphériques (Zagtouli, Pissy et Karpala) de la capitale et à Fada N’Gourma, à 200 km à l’est de Ouagadougou.

Mais contrairement au Mali, Djantoli essaie de contourner la gratuité des soins accordés aux enfants âgés de zéro à cinq ans en vigueur depuis avril dernier en élargissant son offre à l’ensemble du foyer.

« Le modèle de Djantoli qui permet de prendre en charge 80 % de l’ordonnance quelque soit le nombre de maladies contractées dans le mois suscite un engouement auprès de la population qui peinait auparavant à honorer les frais médicaux. Cela a amélioré le taux de fréquentation de notre formation sanitaire qui atteint désormais 85 % », assure Philippe Tassimbedo.

Le succès de l’approche conforte Djantoli, qui entend maintenant plaider son cas auprès des pouvoirs publics, espérant que le modèle pourra être répliqué à grande échelle.

À Zagtouli, en banlieue de Ouagadougou, 800 enfants sont suivis sur la plateforme. Germaine Zangré, une ménagère de 21 ans, fait consulter régulièrement ses deux enfants grâce à Djantoli. « Depuis que mes enfants sont à Djantoli, ils tombent moins malades. De plus, Djantoli m’aide à avoir les médicaments à bas coût », se réjouit la jeune mère au foyer.

Seule une petite part des coûts de fonctionnement couverts par les cotisations

Avec seulement 30 % de ses coûts de fonctionnement couverts par les cotisations (72 000 euros par an, selon une estimation de Jeune Afrique se basant sur une cotisation moyenne par famille d’un euro par mois), Djantoli doit encore affiner son modèle économique. L’association dispose d’un budget annuel de 450 000 euros, pourvu à 80 % par des donateurs tels que les fondations Merieux, Caritas, Pierre Fabre et Sanofi Espoir.

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