Centrafrique : Robert Yékoua-Ketté et les dérives de l’OCRB

L’Office central de répression du banditisme (OCRB) et son ancien chef, Robert Yékoua-Ketté, sont accusés d’avoir commis plusieurs dizaines d’exactions contre des civils. Enquête les méthodes pour le moins musclées de cette unité spéciale de la police centrafricaine.

Photos de huit des douze victimes de l’OCRB. © Human Right Watch

Photos de huit des douze victimes de l’OCRB. © Human Right Watch

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Publié le 1 septembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Bangui, samedi 20 février 2016. La Centrafrique se prépare à organiser l’élection présidentielle qui doit mettre fin à plus de trois ans d’une transition interminable. Romarick Yakoro, un technicien de 19 ans, est arrêté par un détachement des Forces armées centrafricaines (Faca) après un différend avec l’un de ses clients qui l’accuse de vol. Quelques minutes plus tard, un homme arrive sur les lieux. Il s’agit de Robert Yékoua-Ketté.

Ni une ni deux, le patron de l’Office centrale de répression du banditisme (OCRB) assène un coup au technicien avec son arme à feux, le menace et le conduit dans les locaux de l’OCRB, racontent des témoins. Selon un proche de Romarick Yakoro, Ketté l’aurait frappé à plusieurs reprises avant de le mettre dans sa voiture et de quitter les lieux. Le corps sans vie du technicien sera retrouvé plusieurs heures plus tard devant la morgue de la capitale centrafricaine. Avec une blessure par balle à la nuque.

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Cette affaire sordide est racontée par les experts de l’ONU sur la Centrafrique dans leur dernier rapport, publié en août. Elle s’ajoute à la longue liste d’exactions de l’ORCB auxquelles Robert Yékoua-Ketté est accusé d’avoir pris part. En juin, Human Right Watch (HRW) accusait déjà l’unité spéciale de lutte contre la criminalité d’avoir « exécuté illégalement au moins 18 personnes, et peut-être plus, entre avril 2015 et mars 2016 ». Robert Yékoua-Ketté, qui a été démis de ses fonctions le 8 juin, serait directement impliqué dans 13 de ces « incidents », poursuit HRW. À chaque fois, le scénario est sensiblement le même. Des civils accusés de vols sont arrêtés par l’OCRB, avant d’être froidement exécutés.

En exil au Bénin

Lieutenant de l’armée centrafricaine, Robert Yékoua-Ketté en est exclu dans les années 1990 après un dérapage. Affecté au centre d’instruction de Bouar (Ouest), il avait été accusé d’avoir froidement abattu un civil en plein centre-ville. Rapatrié à Bangui, exclu de l’armée, il vivra en marge de la grande muette pendant plusieurs années avant de quitter la RCA pour le Bénin.

Si Yékoua-Ketté est mis en cause dans ces différents rapports, la culture maison de l’OCRB est aussi visée

À Cotonou au milieu des années 2000, il fait la connaissance d’Abakar Sabone et Michel Djotodia, eux aussi en exil dans la capitale économique du Bénin. Il fera son retour à Bangui à l’occasion du coup d’État qu’ils organiseront en mars 2013 avec la coalition rebelle Séléka. C’est pourtant après le départ de Djotodia, sous la présidence de Catherine Samba-Panza, qu’il sera nommé à l’OCRB en février 2015. La raison ? Certaines sources évoquent une proximité avec le ministre de la Sécurité d’alors, Samedi Nicaise Karnou, ou avec Jean-Jacques Demafouth qui fut pendant un moment le « Monsieur sécurité » de CSP.

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Si Yékoua-Ketté est mis en cause dans ces différents rapports, les méthodes de l’OCRB sont aussi visées. En 1997, cette unité spéciale de la police chargée de lutter contre le banditisme est crée alors qu’Ange-Félix Patassé est président de la République et que Bangui vient de traverser une série de mutinerie dans l’armée. C’est au redouté et populaire commissaire divisionnaire Louis Mazangue qu’est alors confiée sa direction.

En 3 ans, 50 personnes exécutées sommairement 

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À Bangui, celui qui dit ne « prévenir qu’une fois » les délinquants récidivistes confirme rapidement sa réputation. En trois ans, près de 50 personnes sont exécutées sommairement par ses équipes, selon l’ONU. Un jour, l’OCRB torture puis abat un jeune braqueur présumé qui avait défié la police. Un autre, un ressortissant congolais suspecté de braquages est poursuivi et tué par balles. Son corps est jeté dans la rue.

Les Nations unies s’emparent rapidement du sujet. Dans la capitale centrafricaine, l’ancien Premier ministre Nicolas Tiangaye, alors président de la Ligue centrafricaine des droits de l’homme (LCDH) déclare en août 2000 : « Nous allons maintenir la pression jusqu’à ce que ces exécutions extra-judiciaires s’arrêtent. » Mais rien n’y fait.

Mazangue bénéficie de la protection des plus hautes autorités de l’État et surtout du soutien de la population pour qui les exécutions sommaires de délinquants par la police sont une bonne chose. « Ces pratiques font aujourd’hui parties de la culture de la maison. D’autant plus quelles sont toujours soutenues par une part de la population », conclut un militaire centrafricain.

Une situation qui explique sans doute pourquoi, à ce jour, Yékoua-Ketté n’a pas été inquiété par la justice de son pays.

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