Côte d’Ivoire : les grands enjeux du référendum sur la Constitution
Après une campagne éclair d’une semaine, les Ivoiriens voteront dimanche 30 octobre sur le projet de nouvelle Constitution porté par le Président Alassane Ouattara. Retour sur les principaux enjeux du scrutin, qui mobilise contre lui une très large frange de l’opposition.
Car si le chef de l’État estime que cette nouvelle Constitution permettrait de « tourner définitivement la page des crises », l’opposition, qui appelle au boycott du scrutin, n’est pas du tout de cet avis. Selon elle, il s’agit d’un projet « anachronique » et « monarchique ».
Ce que changerait l’adoption du texte
Le texte soumis au vote des Ivoiriens comporte 184 articles. Parmi les principales mesures, la création d’un poste de Vice-Président, emprunté au modèle américain. Ce dernier, « âgé de trente-cinq ans au moins » succéderait en effet au chef de l’État en cas de vacance du pouvoir, et serait également élu au suffrage universel direct. Pour ce mandat, il serait exceptionnellement nommé par le chef de l’État, un point très critiqué par l’opposition.
Autre création, celle d’un Sénat, dont un tiers des membres serait directement nommé par le Président. Ce point est particulièrement décrié par l’opposition, qui dénonce un mode de nomination favorisant le clientélisme ainsi qu’une institution coûteuse. D’autres reprochent au Président de créer une institution passéiste, tandis que certains pays comme le Sénégal ont choisi de supprimer leur Sénat.
L’une des réformes les plus commentées concerne le concept d’ »ivoirité », une condition d’éligibilité ayant à plusieurs reprises perturbé la vie politique ivoirienne. Alassane Ouattara, accusé par ses détracteurs d’être d’origine burkinabè, avait lui-même été écarté de la présidentielle en 2000 en raison de cette règle électorale, à l’époque exhumée par Henri Konan Bédié, ennemi politique d’hier devenu aujourd’hui l’un de ses principaux alliés.
Désormais, l’article 55 du texte soumis aux Ivoiriens clarifie les conditions d’éligibilité, et précise que le chef de l’État « doit être exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père ou de mère ivoirien d’origine ». Les binationaux ne peuvent donc pas se présenter à la magistrature suprême, mais un flou demeure sur l’acception de l’expression « né de père ou de mère ivoirien d’origine ». La limite d’âge pour se présenter a également été évacuée.
Le spectre de l’abstention
En raison de l’appel au boycott de l’opposition, de nombreux observateurs pronostiquent une victoire du « oui ». Pour autant, la consigne des opposants a mis en lumière un autre chiffre : celui de la participation. « Aujourd’hui, la victoire est acquise. Notre défi reste effectivement la participation », affirmait ainsi à Jeune Afrique Adama Bictogo, chargé d’organiser la campagne de la majorité.
L’exécutif parviendra-t-il à mobiliser ce dimanche, et à faire ainsi mentir les projections d’un « forte abstention » ? Pas sûr, pour Christophe Kouamé, président de l’association Civis-Ci (Citoyens & Participation), qui a sillonné la Côte d’Ivoire afin d’expliquer aux populations les enjeux du référendum.
« Les populations en voie de paupérisation ne comprennent pas toujours l’intérêt de cette réforme. Pour elles, l’urgence est avant tout de faire en sorte qu’elles puissent manger tous les jours », rapporte Christophe Kouamé, contacté par Jeune Afrique. Avant d’ajouter : « D’autres électeurs rencontrés ne savaient même pas qu’un référendum sur la Constitution avait lieu ce dimanche 30 octobre ».
Enjeu politique pour Ouattara
Un taux de participation faible « serait un échec pour Alassane Ouattara », avance Konaté Navigué, président des Jeunes du FPI. « Si le peuple n’adhère pas massivement, cela voudrait dire que le texte passe au forceps, la Constitution naîtrait donc handicapée », poursuit-il depuis Yopougon, où le parti organisait un dernier meeting vendredi 28 octobre contre le référendum.
Près d’un an jour pour jour après sa réélection, l’enjeu est donc de taille pour Alassane Ouattara. « Il s’agit de son empreinte, de sa marque, il s’agit de son legs politique et de son héritage. Nous devons […] montrer que nous sommes derrière lui », avait d’ailleurs résumé lundi depuis Yamoussoukro son ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko.
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