Gilles Yabi : « Avec Trump, il n’y aura pas de cadeaux des États-Unis à l’Afrique »
Donald Trump président des Etats-Unis, qu’est-ce qui va vraiment changer pour l’Afrique ? Gilles Yabi, fondateur de Wathi, un think tank citoyen pour l’Afrique de l’Ouest, et ex-directeur du projet Afrique de l’Ouest au sein de l’International Crisis Group, répond à Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Que sait-on réellement du rapport de Donald Trump, nouvellement élu président des États-Unis, avec l’Afrique ?
Gilles Yabi : Le candidat Trump n’avait pas dans son équipe en charge de la politique étrangère d’experts connus des questions africaines. Cela signifie sans doute qu’il n’accordait pas beaucoup d’intérêts à l’Afrique et à la politique africaine.
Aujourd’hui, Donald Trump dispose d’un champ très large de possibilités pour sa politique étrangère, qui manque de clarté. Elle pourrait être réajustée par le parti républicain ou par certains de ses concurrents lors de la primaire, s’ils acceptent de travailler avec lui.
Peut-on croire Donald Trump lorsqu’il déclare, à peine élu, qu’il souhaite voir les États-Unis « avoir des relations honnêtes » avec les autres pays ?
Oui. Je pense qu’il faut commencer par oublier le candidat Trump qui a mené une campagne outrancière. D’autant qu’il est lui-même conscient qu’il va être à la tête de la première puissance mondiale. Cela implique nécessairement une approche prudente dans les relations internationales. Il y aura donc des changements significatifs entre Trump candidat et Trump président.
Aussi faut-il rappeler que les États-Unis restent un pays organisé, avec des institutions qui fonctionnent : un Sénat, une Chambre des représentants, l’État-major de l’armée, le ministère de la Défense… Une administration qui regorge de personnes conscientes de la place des États-Unis dans le monde, y compris en Afrique. Ces dernières vont guider le président Trump dans certaines questions de politique internationale, voire africaine.
Trump président des États-Unis, qu’est-ce qui va changer réellement pour l’Afrique ?
Sur les questions africaines et sur tant d’autres, le programme de Trump a manqué de clarté. Pour l’instant, c’est l’incertitude. Personne ne sait comment le nouveau président américain envisage les relations avec le reste du monde. Nous devons attendre de le voir à l’oeuvre.
Mais il y a une certitude avec Trump, c’est qu’il y aura un recentrage sur les intérêts économiques des États-Unis, y compris en Afrique. Il y aura sans doute une politique internationale concentrée, de manière assumée, sur la défense des intérêts américains, économiques mais aussi géostratégiques.
Cela signifie-t-il moins de pression sur les dirigeants africains qui ne respectent pas les règles de démocratie ou de gouvernance ?
Par sa personnalité, le président Trump n’est pas de nature à donner des leçons en matière de gouvernance. Pendant la campagne électorale, marquée par plusieurs de ses dérapages, il a démontré qu’il n’était pas une personnalité incarnant des valeurs, des principes. Et lorsqu’on a une personnalité pareille, il est évident qu’on n’est pas à même de donner des leçons de posture d’homme d’État. Ce qui risque de conforter un certain nombre des dirigeants africains, allergiques à l’alternance.
C’est là une différence fondamentale avec son prédécesseur Barack Obama. Même si sur le plan de la pratique, il n’y a pas eu nécessairement des changements en Afrique sous l’ère Obama, nous avons assisté à des discours très forts, à la fois au niveau national qu’international.
Doit-on considérer que le temps des pressions diplomatiques américaines sur certains dirigeants du continent est révolu ?
Il y aura sans nul doute un changement de discours. Sur le plan politique, les signaux qui seront donnés par les États-Unis aux dirigeants africains ne seront pas les mêmes. Mais, sur le plan des pratiques, la présidence de Barack Obama n’a pas induit de changements politiques importants en Afrique, où il y a toujours le plus d’autocrates, de dirigeants confortablement installés, à l’instar de ceux de l’Afrique centrale.
Barack Obama n’a pas rendu possible l’alternances politique dans ces pays. De ce fait, l’élection de Trump ne va pas nécessairement bouleverser la politique africaine des États-Unis. Seuls les signaux qui sont donnés à la société civile africaine ou aux opposants seront différents. Il faudra s’attendre à nouveau à des discours très concentrés sur la défense des intérêts américains, plus que sur la défense des valeurs démocratiques.
Quelles seront les conséquences économiques en Afrique de cette élection ?
Il faut surveiller la politique en matière commerciale. Y aura-t-il des changements importants ? Le discours protectionniste de Donald Trump va-t-il réellement se traduire dans la réalité ? Ce discours est en contradiction avec le rôle que les États-Unis jouent dans une économie mondialisée. Néanmoins aujourd’hui, il est impossible de savoir quelle sera la politique économique du nouveau président américain. Son implication sur l’Afrique demeure donc également difficile à envisager.
Donald Trump vient du secteur privé. Il va sans doute appliquer une politique de soutien aux entrepreneurs américains. Ce qui pourrait donner plus de marges à des groupes d’intérêts qui pourraient venir investir en Afrique, à condition qu’ils y trouvent leur intérêt. Avec Trump, comme par le passé, il n’y aura pas de cadeaux des États-Unis à l’Afrique.
Dans tous les cas, le partenariat avec les États-Unis demeure certes important, mais ce n’est pas le plus décisif. Ce qui l’est, c’est évidement le leadership politique et la capacité des pays africains à mettre en place des politiques économiques avisées et à identifier les partenaires économiques les plus dynamiques.
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