CPI : l’Afrique du Sud entendue sur son refus d’arrêter Omar el-Béchir

La Cour pénale internationale (CPI) entend vendredi lors d’une audience à La Haye l’Afrique du Sud sur les raisons de son refus en 2015 d’arrêter sur son sol le président soudanais Omar el-Béchir, poursuivi pour génocide.

L’ex-président du Soudan, Omar el-Béchir, lors du sommet Afrique-France, à Cannes, le 15 février 2007. © LIONEL CIRONNEAU/AP/SIPA

L’ex-président du Soudan, Omar el-Béchir, lors du sommet Afrique-France, à Cannes, le 15 février 2007. © LIONEL CIRONNEAU/AP/SIPA

Publié le 7 avril 2017 Lecture : 3 minutes.

Les juges devront décider si l’Afrique du Sud, signataire du Statut de Rome, traité fondateur de la CPI, a manqué à ses obligations en ne procédant pas à l’arrestation d’Omar el-Béchir et à sa remise à la Cour.

Ils reprochent à Pretoria d’avoir laissé, à la mi-juin 2015, le président soudanais rentrer chez lui après sa participation à un sommet de l’Union africaine (UA) à Johannesburg alors qu’il est visé par deux mandats d’arrêt internationaux émis par la CPI en 2009 et 2010 pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au Darfour, province de l’ouest du Soudan en proie  à une guerre civile depuis 2003.

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Faute d’avoir sa propre force de police, la CPI dépend des États parties au Statut de Rome pour interpeller les suspects qu’elle recherche. Or, Omar el-Béchir, qui nie fermement ces accusations, est toujours au pouvoir et continue de voyager régulièrement en Afrique sans être inquiété. La semaine dernière encore, le président soudanais a assisté librement au sommet de la Ligue arabe en Jordanie malgré les appels des défenseurs des droits de l’Homme à l’arrêter.

Conflit de législations

Dans les documents remis à la CPI, le gouvernement de Pretoria assure s’être retrouvé partagé entre le respect de ses obligations envers la CPI en arrêtant Omar el-Béchir et celui de sa propre législation qui garantit l’immunité présidentielle.

Pourtant, Pretoria avait affirmé par le passé que le président soudanais serait interpellé s’il posait le pied dans le pays et « l’Afrique du Sud restait dans l’obligation d’arrêter immédiatement Omar el-Béchir s’il entrait sur le territoire sud-africain », a estimé la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, dans un document remis à la CPI.

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Saisie du dossier el-Béchir, la Cour suprême d’appel sud-africaine avait condamné la passivité du gouvernement vis-à-vis du chef d’État soudanais, la qualifiant de « conduite scandaleuse ». En février, l’Afrique du Sud, irritée par cette polémique, avait entamé en février des démarches pour se retirer de la CPI, mais la justice sud-africaine les a déclarées « inconstitutionnelles et invalides ».

Renvoi devant le Conseil de sécurité

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La procureure Fatou Bensouda a par ailleurs estimé « approprié » que la CPI « renvoie l’Afrique du Sud » devant le Conseil de sécurité de l’ONU pour d’éventuelles sanctions.

L’an dernier, la CPI avait renvoyé le Tchad, Djibouti et l’Ouganda devant l’ONU pour ne pas avoir arrêté Omar el-Béchir sur leur territoire. Aucune mesure n’a été prise jusqu’ici contre ces pays.

« Le Conseil doit encore agir pour donner des répercussions à ces décisions », a précisé la procureure de la CPI Fatou Bensouda dans son dernier rapport auprès du Conseil de sécurité en décembre.

Situation « dramatique » au Darfour

Cette audience qui devait débuter à 7h30 (GMT) aura le mérite d’attirer à nouveau l’attention sur le Darfour. La situation y reste « dramatique », a souligné auprès de l’AFP Monica Feltz, directrice exécutive de l’International Justice Project (IJP), une association de juristes défendant notamment les victimes du conflit au Darfour devant la CPI.

Dix anciens habitants du Darfour et victimes de ce conflit, désormais installés aux Pays-Bas, assisteront à l’audience. »Ils attendent depuis huit ans que justice soit faite », a expliqué Monica Feltz, ils espèrent que leur « histoire sera racontée et leurs voix entendues » et que « la communauté internationale reste préoccupée » par la situation.

Pour Wanda Akin et Raymond Brown, co-fondateurs de l’IJP et défenseurs de victimes du Darfour devant la CPI, l’audience de vendredi est « une opportunité historique pour la Cour de montrer que ses poursuites doivent être prises extraordinairement au sérieux ». Ils ont exhorté la CPI à envoyer « un message clair que le mépris flagrant de ses ordonnances ne sera pas permis ».

Depuis 2003, la guerre civile au Darfour a fait 330 000 morts et déplacé 2,5 millions de personnes, d’après les chiffres de l’ONU.

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