Ce jour-là : le 19 juin 1956, le militant indépendantiste algérien Ahmed Zabana est guillotiné

Ahmed Zabana est le premier d’une longue liste de militants pour l’indépendance de l’Algérie à être exécuté. A la veille de sa mort, il adresse une dernière lettre à ses proches.

Le militant indépendantiste Ahmed Zabana, lors de son exécution le 19 juin 1956. © CC/wikipédia

Le militant indépendantiste Ahmed Zabana, lors de son exécution le 19 juin 1956. © CC/wikipédia

Publié le 19 juin 2017 Lecture : 3 minutes.

Il est 4h du matin, ce 19 juin 1956, quand Ahmed Zabana s’avance vers la guillotine. « Je suis fier de monter le premier sur l’échafaud », dit le jeune militant indépendantiste algérien qui, dans la prison Barberousse d’Alger, a rendez-vous avec la mort sans avoir jamais bénéficié de la moindre once de commisération de la part de ses bourreaux.

Son état de santé est délabré. Borgne et estropié, souffrant d’une blessure par balle à la jambe et d’une autre au bras gauche, il sera exécuté pieds et poings liés, sous le regard des fonctionnaires de l’administration française. Des témoins rapportent qu’il a été torturé dans sa cellule au quartier des condamnés à mort, où il avait passé plusieurs mois.

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« Je meurs mais l’Algérie vivra »

Quelques minutes avant son exécution, Zabana lance un cri prémonitoire : « Je meurs mais l’Algérie vivra ». L’heure fatidique est arrivée. Le couperet de la guillotine tombe mais l’inexpliqué arrive. Par deux fois, la lame s’arrête à quelques centimètres du cou de Zabana. Or la tradition veut que si un condamné n’est pas exécuté à la première tentative, sa peine soit transformée en prison à perpétuité. Ce ne sera pas le cas pour le soldat de l’indépendance algérienne. La guillotine finira par fonctionner, mais la tête de Zabana ne tombera pas dans le panier. Comme un symbole, elle reste accrochée…

Accusé d’avoir organisé l’action menée contre le garde forestier François Braun dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, date du déclenchement de l’insurrection nationaliste, il est jugé et condamné à mort au terme d’un simulacre de procès conduit par un tribunal colonial. Fervent militant indépendantiste, ce soudeur de 30 ans avait auparavant milité au sein du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, ce qui lui avait déjà valu 3 ans d’emprisonnement de 1950 à 1953, et l’attention particulière de la police française.

La mort pour la cause de Dieu est une vie qui n’a pas de fin, et la mort pour la patrie n’est qu’un devoir

Pour autant, cette arrestation ne l’avait pas empêché, à sa sortie de prison, de poursuivre ses activités politiques avec autant de conviction, et de participer aux préparatifs du déclenchement de la guerre de libération nationale. Mais une semaine après, le 8 novembre 1954, son interpellation par les troupes françaises met fin à son combat. « Le savoir, c’est la vie la plus noble, et l’ignorance, la plus longue mort », déclarait-il du fond de sa cellule peu avant son exécution. La veille, alors qu’il n’était visiblement pas au courant de sa mort toute proche, il adressait une lettre émouvante à ses proches :

« Mes chers parents, ma chère mère,

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Je vous écris sans savoir si cette lettre sera la dernière, et cela, Dieu seul le sait. Si je subis un malheur, quel qu’il soit, ne désespérez pas de la miséricorde de Dieu car la mort pour la cause de Dieu est une vie qui n’a pas de fin, et la mort pour la patrie n’est qu’un devoir. Vous avez accompli votre devoir puisque vous avez sacrifié l’être le plus cher pour vous. Ne me pleurez pas et soyez fiers de moi.

Enfin, recevez les salutations d’un fils et d’un frère qui vous a toujours aimés et que vous avez toujours aimé. Ce sont peut-être là les plus belles salutations que vous recevez de ma part, à toi, ma mère, et à toi, mon père, ainsi qu’à Nora, El Houari, Halima, El Habib, Fatma, Kheïra, Salah, Dinya et à toi, mon cher frère Abdelkader, ainsi qu’à tous ceux qui partageront votre peine.

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Allah est Le Plus-Grand et il est seul à être équitable.

Votre fils et frère qui vous aime de tout son cœur.

Hmida »

Ce 19 juin 1956, ils furent avec Abdelkrim Ferradj, qui trouva la mort au même endroit 7 minutes après Zabana, les deux premiers résistants algériens à être exécutés. Les premiers d’une liste de 222 combattants de la liberté en seulement cinq ans.

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