Burkina : ce que le général Diendéré a dit durant son audience de mise en accusation
À son audience de mise en accusation devant la chambre de contrôle du tribunal militaire de Ouagadougou, vendredi, le général Gilbert Diendéré, principal accusé dans de l’enquête judiciaire sur le coup d’État raté de septembre 2015, a livré ses vérités. Le point avec son avocat.
Il n’est plus poursuivi par la justice militaire burkinabè pour association de malfaiteurs, complicité de coups et blessures et de meurtre. L’abandon de ces charges sonne comme une petite victoire pour le général Gilbert Diendéré, principal accusé dans l’enquête judiciaire sur le coup d’État raté de septembre 2015. Mais il encourt toutefois de lourdes peines. Le juge d’instruction a retenu contre lui plusieurs chefs d’accusation : attentat, atteinte à la sûreté de l’État, terrorisme, séquestration et crime contre l’humanité.
Des charges pour lesquelles le général a comparu, vendredi 27 octobre, visiblement en forme , « le moral haut », d’après les mots de son avocat à l’audience de mise en accusation devant la chambre de contrôle du tribunal militaire. Au cours de la séance qui a duré plus de trois heures, celui qui est suspecté d’avoir été le cerveau du coup d’État le « plus bête au monde » a asséné ses vérités. Et tenté de justifier sa prise de responsabilité.
« Prenez vos responsabilités »
« A la réunion du 17 septembre 2015, l’évêque de Bobo, Paul Ouédraogo, a dit [aux chefs militaires] : ‘le pays n’est plus gouverné. Prenez vos responsabilités’. C’est à partir de là que l’armée s’est sentie concernée et a essayé de prendre les choses en main pour ne pas laisser les soldats faire », détaille à J.A. l’avocat du général, Me Mathieu Somé. Et d’ajouter : « Dans la discussion, il est ressorti qu’il fallait donner le pouvoir au chef d’état major général des armés. Ce dernier d’alors [Pingrenoma Zagré] a dit qu’il préférait que ce soit quelqu’un du Régiment de sécurité présidentielle ».
Selon Me Somé, « c’est ainsi que Gilbert Diendéré a pris le pouvoir et la hiérarchie militaire a accepté l’accompagner. » La police et la gendarmerie ont demandé du matériel de maintien de l’ordre, et le chef d’état major général des armées a signé un ordre de mission pour qu’un hélicoptère puisse aller prendre du matériel, dispatché ensuite entre les deux forces d’où la responsabilité entière de la hiérarchie militaire », martèle l’avocat. « Si le général mérite d’être tenu pour responsable parce qu’il a assumé le putsch, c’est en lien avec la hiérarchie militaire qui a accepté d’accompagner le putsch sur instigation de l’évêque de Bobo », insiste-t-il.
Pour son avocat, le général Diendéré n’est mêlé ni matériellement ni intellectuellement aux actes de prises d’otages et d’atteinte à la sûreté de l’État posés en Conseil des ministres
L’abandon des poursuites d’associations de malfaiteurs, de complicité de coups et blessures et meurtres par le juge d’instruction est ainsi pour Diendéré et ses avocats une avancée essentielle. « Nous avons dit qu’à partir du moment où le juge reconnaît que des gens ne se sont pas concertés pas pour faire le putsch, il doit en tirer la conséquence. Au moment où les soldats posaient les actes [de prise du pouvoir] en conseil des ministres [le 16 septembre 2015, NDLR], le général n’était pas informé, par conséquent il [le général Diendéré] n’est mêlé ni matériellement ni intellectuellement aux actes de prises d’otages, d’atteinte à la sûreté de l’État posés en Conseil des ministres », plaide Me Mathieu Somé.
107 personnes mises en cause
En outre, l’avocat réfute la charge de crimes contre l’humanité à l’encontre de son client. « Les soldats sortaient en ville sur instructions de leur chef hiérarchique qu’ils ont nommés. Ce n’est pas le général qui les envoyait. Il ne pouvait le faire car ne relevant du RSP », à poursuivi Me Somé.
Au total, 107 personnes sont mises en cause pour leur implication présumée dans le coup d’État perpétré par le général Diendéré et le RSP contre le régime de la Transition politique, dirigé alors par Michel Kafando. Parmi elles, 21 sont actuellement en détention à la Maison d’arrêt et de correction des armées et neuf autres, en fuite, sont sous le coup de poursuites pour atteinte à la sûreté de l’État, assassinat et complicité d’assassinat. Enfin, 63 accusés bénéficient quant à eux d’une liberté provisoire alors que seize autres inculpés n’ont jamais l’objet d’un mandat de dépôt.
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