Sénégal – Affaire Khalifa Sall : polémique entre la mairie de Paris et le parti de Macky Sall

Alors que le procès de Khalifa Sall, qui devait s’ouvrir ce jeudi, a été reporté au 3 janvier prochain, le dossier est au cœur d’un bras-de-fer entre le Conseil de Paris et l’Alliance pour la République (APR), le parti de Macky Sall. En cause : la création d’un « Observatoire international des maires en danger » qui doit aboutir à la création d’un statut de protection pour les élus « injustement » poursuivis devant la justice.

Khalifa Sall en 2015 à la mairie de Dakar. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

Khalifa Sall en 2015 à la mairie de Dakar. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

ROMAIN-GRAS_2024

Publié le 14 décembre 2017 Lecture : 4 minutes.

C’est une annonce dont le timing interroge. A la veille de l’ouverture annoncée du procès de Khalifa Sall, à Dakar, le Conseil de Paris a adopté ce mardi un « vœu » de l’exécutif parisien, qui souhaite « engager des démarches au plan international pour créer un Observatoire international des maires en danger » qui aurait pour vocation d’assurer une « veille des atteintes aux élus locaux locaux et de la protection de leurs droits », comme l’explique un communiqué de la mairie de Paris.

Projet flou

Les contours du projet semblent encore flous. La mairie de Paris a assuré qu’elle n’assumerait pas l’animation du futur observatoire, dont le cadre devra, in fine, être discuté avec une série de partenaires internationaux pour aboutir à un « statut de protection ». Statut dont les prérogatives n’ont, là encore, pas été établies avec précision, mais qui viserait à protéger les élus menacés de poursuites judiciaires, non pas en raison des faits qui leurs sont reprochés mais à cause de la position politique qu’ils occupent.

la suite après cette publicité

« J’initie simplement la réflexion », assure Patrick Klugman, adjoint à la Mairie de Paris en charge des Affaires internationales et porteur de la proposition, qui précise qu’il faudra attendre que « tout le monde soit autour de la table » pour avancer sur ces questions.

Parmi les exemples d’élus africains cités dans le communiqué, on retrouve l’ancien maire de Cotonou, Léhady Soglo, limogé en août dernier, un mois après son homologue de Niamey, Assane Seydou. Mais le communiqué insiste surtout sur le cas du maire de Dakar, Khalifa Sall, dont le procès s’est ouvert ce jeudi, avant d’être ajourné au 3 janvier 2018. Un dossier dans lequel la mairie de Paris est ouvertement impliquée depuis les prémisses de l’affaire.

 « Précipitation fortement dommageable »

Patrick Klugman prononçant un discours, 10 décembre 2017 © Emma PROSDOCIMI/SIPA

Patrick Klugman prononçant un discours, 10 décembre 2017 © Emma PROSDOCIMI/SIPA

Affaire de détournement de deniers publics ou véritable procès politique destiné à écarter un candidat à la présidentielle de 2019 ? La procédure engagée contre Khalifa Sall fait polémique. Mais pour la Mairie de Paris, l’élu dakarois est poursuivi « à cause de son bilan et de ses ambitions politiques », comme elle l’assure dans son communiqué.

la suite après cette publicité

Joint par Jeune Afrique, Patrick Klugman va plus loin. « Je pense que la manière dont il a été incarcéré, dont on a refusé de le libérer en dépit de certaines garanties et surtout le court délai dans lequel il doit être jugé montrent une forme de précipitation fortement dommageable. À considérer que les charges soient sérieuses, la vitesse à laquelle son procès est organisé suggère que la poursuite n’est pas très naturelle. On ne peut que le penser, au regard des derniers rebondissements », explique-t-il.

[Anne Hidalgo adopte une] posture aux allures nostalgiques d’un colonialisme révolu

Une prise de position tranchée qui a provoqué la colère quasi-immédiate de l’Alliance pour la République (APR), le parti du président sénégalais Macky Sall. Dans un communiqué publié mercredi, l’APR dénonce « l’arrogance de Mme Hidalgo face à la souveraineté du Sénégal, de son peuple et de ses institutions, notamment judiciaires », qualifiant la prise position de l’édile parisienne de « posture aux allures nostalgiques d’un colonialisme révolu ».

la suite après cette publicité

Communique Apr 13 12 2017 by jeuneafrique on Scribd

Des avocats du barreau de Paris associés à la procédure

Pourquoi un tel investissement de la Mairie de Paris dans ce dossier ? « Pour l’instant nous n’avons pas de statut, ni d’observateurs. Mais c’est une affaire que nous suivons de très près. J’ai été contacté par les collaborateurs et avocats de Khalifa Sall, et j’ai personnellement démarché trois avocats parisiens, Jean-Pierre Mignard, Mario-Pierre Stasi et Christian Saint-Palais. Ils ont commencé à s’entretenir avec les avocats du maire de Dakar, avec qui ils vont collaborer pour s’assurer de la régularité de la procédure en cours et vérifier l’effectivité des droits de la défense », explique Patrick Klugman qui, en sa qualité d’avocat, s’est lui aussi personnellement engagé dans la procédure.

Dans une lettre adressée mercredi à Maguette Diop, le président de la chambre de jugement en charge de l’affaire, les quatre avocats expliquent qu’ils se sont associés à une demande de renvoi de l’audience prévue ce 14 décembre, renvoi « indispensable pour nous permettre de nous entretenir avec notre client, de nous réunir avec ses autres conseils, et de nous permettre d’accéder au dossier afin de concourir à la préparation de la défense », précise le courrier.

Affaire Khalifa Sall : Lettre de Constitution Confreres (1) by jeuneafrique on Scribd

« Cela me paraît normal : Khalifa Sall est un membre éminent de l’Association internationale des maires francophones (AIMF), que préside Anne Hidalgo, dont il est proche », explique l’adjoint pour justifier un tel déploiement de moyens.

Depuis le début de l’affaire, le secrétaire général de l’organisation a reçu de nombreux soutiens, à commencer par celui de ses homologues à travers le continent, comme Hugues Ngouélondélé, le maire de Brazzaville, André Kimbuta, le gouverneur de Kinshasa, ou encore Fatima Zahra Mansouri, l’ancienne maire de Marrakech.

La justice sénégalaise devra trancher dans les semaines à venir et déterminer si Khalifa Sall a profité de ses fonctions de maire de Dakar pour détourner 1,8 milliard de francs CFA (2,7 millions d’euros), comme cela lui est reproché par l’accusation.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Contenus partenaires