Sénégal – Côte d’Ivoire : suspension de la distribution de la presse internationale, dont Jeune Afrique
Au Sénégal et en Côte d’Ivoire, des distributeurs locaux peinent à honorer leurs impayés auprès du groupe de distribution français Presstalis. Des difficultés qui ont conduit à l’interruption de la distribution dans ces deux pays de la presse internationale, dont Jeune Afrique.
À l’instar de plusieurs centaines de titres de la presse étrangère, il y a fort à parier que votre journal Jeune Afrique ne soit pas distribué la semaine prochaine en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Le résultat d’un différend financier opposant le distributeur ivoirien Edipresse et le sénégalais Agence de distribution de presse (ADP) au groupe français Presstalis, qui assure l’export en avion ou en bateau des journaux étrangers jusque dans ces pays.
« Ce n’est plus tenable »
« Nous avons décidé le 21 décembre de suspendre la distribution de toute la presse internationale au Sénégal et en Côte d’Ivoire, tant qu’Edipresse et ADP n’honoreront pas leurs impayés, explique Carine Nevejans, directrice de l’international du groupe Presstalis. Nous sommes très conciliants, mais il arrive un moment où les montants en jeu sont tellement importants que ce n’est plus tenable. »
Seul problème : les deux sociétés en question connaissent d’importants problèmes de trésorerie, dans un contexte d’érosion continue du nombre de lecteurs de la presse internationale dans ces deux pays. Edipresse a ainsi vu ses ventes de presse étrangère diminuer de plus de moitié en l’espace de quatre ans (de 22 millions d’exemplaires en 2014 à 9 millions en 2017). D’où des difficultés à honorer leurs dettes, qui s’élèvent désormais à 190 millions de francs CFA pour Edipresse et à 105 millions de francs CFA pour ADP.
Une perte de 25 millions de francs CFA par semaine
« Nous avons enclenché le virement d’une partie de cette somme, assure pour sa part Bertrand Holl, directeur général de Edipresse. Mais nous rencontrons des difficultés avec les banques, qui ne sont pas de notre fait. »
En attendant l’effectivité du virement, prévue a priori avant la fin de la semaine prochaine, la société ivoirienne ne reçoit plus la presse étrangère depuis le 22 décembre. « Et cela représente une perte de 25 millions de francs CFA par semaine », précise Bertrand Holl.
Des difficultés financières auxquelles s’ajoute la décision de Presstalis en septembre 2016 de suspendre la livraison des journaux par bateau en Côte d’Ivoire. « On parle d’environ 800 titres et d’un manque à gagner mensuel pour Edipresse de 30 millions de francs CFA », estime Bertrand Holl, qui précise n’avoir reçu aucune subvention de la part de l’État ivoirien.
Un échéancier de paiement « trop étalé »
Pour sortir de l’impasse, APD a proposé un échéancier de paiement en dix mensualités à compter de février 2018. Mais celui-ci a été refusé par Presstalis, qui l’a jugé « trop étalé dans le temps ».
« Nos actionnaires n’ont pas les moyens de débloquer immédiatement cette somme », explique Ibrahima Touré, le directeur général de APD. « Je suis en contact tous les jours avec Presstalis pour trouver une solution », précise-t-il. Une nécessité pour cette société qui distribue au Sénégal 1 500 références de presse qui lui sont livrées par avion et bateau. « En termes de chiffre d’affaires, cela représente une perte énorme », déplore son directeur général.
Jusqu’à une date récente, Edipresse et ADP étaient toutes deux des filiales de Presstalis. Mais le groupe français a préféré ces dernières années céder son capital dans ses sociétés sur le continent africain, pour recentrer son effort sur le marché hexagonal.
En Côte d’Ivoire, les parts de Presstalis ont ainsi été rachetés en juillet 2014 par le groupe de presse Fraternité Matin (détenteur de 65 % des parts, qui est lui même en difficultés financières) et par la société Snedai détenue par l’homme d’affaires Adama Bictogo (35 % des parts).
Quant à l’ADP, celle-ci est depuis juin 2017 dans le giron du groupe Le Soleil, qui édite au Sénégal le journal éponyme. Suite à ces rachats respectifs, des contrats commerciaux avaient été conclus entre Presstalis et ses anciennes filiales, afin de poursuivre la distribution de la presse étrangère.
La décision de Presstalis de suspendre la distribution augure-t-elle un retrait du groupe français dans ces deux pays ? « Nous n’en sommes pas là, estime Carine Nevejans. Il s’agit simplement d’un problème de paiement. Et, en l’occurrence, la balle est dans le camp des distributeurs locaux. »
Avis à nos lecteurs : en attendant un dénouement de la situation, Jeune Afrique demeure disponible en édition digitale.
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