Franc CFA, Macron, Mugabe et esclavage : quelles leçons pour l’Afrique en 2018 ?
Considérer que le temps est divisible en tranches identiques appelées années, relève de sa conception discrète (c’est à dire non continue).
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Thierry Amougou
Economiste, Professeur à l’Université catholique de Louvain. Dernier ouvrage publié : Qu’est-ce que la raison développementaliste ? Academia, 2020
Publié le 12 janvier 2018 Lecture : 3 minutes.
2018 est donc la nouvelle tranche qui, non seulement évince 2017, mais aussi la pousse à élire domicile dans nos souvenirs et nos archives calendaires. Cependant, autant une année chasse l’autre, autant certains évènements font le pont d’une année à l’autre et deviennent structurants. Aussi, en guise d’une bonne année panafricaine, revenons-nous analytiquement sur le débat sur le FCFA, le marché aux esclaves en Lybie, l’éviction de Mugabe et la Françafrique au travers de la visite de Macron en Afrique.
Ce que tout cela démontre de façon robuste, c’est la forte présence du colonial dans le postcolonial
Ce sont des événements qui, non seulement font échos du temps passé, – le FCFA, Robert Mugabe et la Françafrique sont des produits coloniaux, le marché aux esclaves ravive le souvenir du commerce triangulaire –, mais aussi, conditionnent le temps à-venir du continent. Ce que démontrent de façon robuste le débat sur le FCFA, la longévité de Robert Mugabe au pouvoir et la continuité de la Françafrique, est la forte présence du colonial dans le postcolonial.
Le FCFA, monnaie née dans la mouvance des Accords de Bretton woods, est toujours d’actualité. Cela interroge l’indépendance des pays de la zone Franc, la fierté de l’Afrique et sa capacité à se prendre complètement en main sur le plan monétaire. Si le billet de FCFA brûlé par Kémi Séba a remis cette question dans l’agenda, les politiques africains ne semblent toujours pas prêts à prendre le risque politique et économique d’une réelle souveraineté monétaire. Ainsi, parlant de révolution monétaire, il y a ceux qui la font et ceux qui en parlent. L’Afrique est encore dans la deuxième catégorie.
Une question de pouvoir
La monnaie est une question de pouvoir. Celui-ci nous conduit au cas Robert Mugabe. D’autres pays comme le Cameroun vivent un immobilisme lié au fait qu’une utopie individuelle – être au pouvoir ad vitam aeternam –, immobilise le pays lorsqu’elle ne le fait pas sombrer dans la violence comme cela est actuellement le cas au Cameroun. Le FCFA ne perdure-t-il pas aussi à cause d’une telle conception du pouvoir ? En 2018, l’Afrique semble un continent où les pouvoirs exécutifs gardent une logique coloniale. Le FCFA, la Françafrique et l’esclavage y trouvent un terreau fertile.
Celui qui s’agrippe au pouvoir comme une araignée à sa toile via l’inflation de la réforme constitutionnelle ou en transformant les accords sociétaux en paillasson (cas de la RDC), peut-il être source d’innovations et de mobilité sociopolitique et économique dans le continent ? Rompre avec un pan de la Françafrique exige par exemple que l’on mette un terme à la traditionnelle visite des présidents français en Afrique après leur élection. Chaque rencontre de ce type qui renouvelle le serment de rupture avec les pratiques passées, est le meilleur moyen de perpétuer le lien colonial et l’absence de rupture. En conséquence, les pouvoir ne pensent qu’à leur reproduction et deviennent anthropophages par rapport à leurs populations.
L’esclavage multiforme
De là découle une renaissance du marché aux esclaves en Libye en 2017. Sans négliger les causes exogènes, notamment occidentales dans cette situation, des pouvoirs africains au service de la vie des Africains, des Etats africains devenus des Etats de droit sont les seuls remparts absolus contre des cas d’esclavage. En 2018, force est de constater que loin s’en faut : la permanence du FCFA, la ductilité de la Françafrique et la liturgie urbi et orbi du pouvoir à vie font le lit de la colonie dans la postcolonie, réalité qui porte en elle l’esclavage multiforme comme la nuée porte l’orage.
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