Sénégal : pourquoi la mairie de Dakar se porte partie civile dans l’affaire Khalifa Sall

Le conseil municipal de la capitale sénégalaise a adopté le 15 janvier une délibération permettant à la municipalité de se constituer partie civile dans l’affaire Khalifa Sall. Le maire de Dakar et sept agents municipaux sont notamment poursuivis pour « détournement de deniers publics » et « blanchiment », pour un montant d’1,8 milliard de francs CFA.

Khalifa Sall en 2015 à la mairie de Dakar. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

Khalifa Sall en 2015 à la mairie de Dakar. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

Publié le 16 janvier 2018 Lecture : 3 minutes.

La délibération a été adoptée, sans surprise, lors d’un conseil municipal qui s’est tenu ce lundi. La Ville de Dakar entend se constituer partie civile dans l’affaire dite « de la caisse d’avance », dont les audiences doivent reprendre le 23 janvier. En clair, la municipalité entend être représentée devant le tribunal en tant que victime des délits dont le maire est soupçonné.

Nouvelle stratégie de défense pour Khalifa Sall

Est-ce à dire que, par cette constitution, la municipalité reconnaît qu’il y a eu détournement de deniers publics ? « Non », répond catégoriquement Soham El Wardini, première adjointe au maire. « Nous devons y aller pour défendre les intérêts des Dakarois, de la Ville et aussi défendre notre maire dans une affaire politique », assène l’élue.

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Pour Moussa Sow, conseiller municipal désigné lors de la délibération pour représenter la municipalité devant le tribunal, « la Ville ne peut pas être en reste dans cette affaire puisque son conseil municipal supervise l’ensemble du processus budgétaire comme de l’approbation des comptes administratifs. Elle doit nécessairement y être parce que la Constitution parle clairement de “libre administration des collectivités locales par des assemblées élues au suffrage universel” ».

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En outre, l’Acte 3 de la décentralisation permet aux collectivités locales, désormais dotées d’une personnalité juridique, d’intenter des actions en justice en tant que demandeur, via un représentant qui peut être le maire de la commune ou tout autre conseiller désigné par le conseil municipal.

Le conseil municipal entend donc pénétrer dans l’arène judiciaire pour défendre le maire et ses agents, tout en se plaçant de « l’autre » côté de la barre. Mais la mesure adoptée lundi a aussi un autre objectif, non écrit : écarter l’État du prétoire. Moussa Sow l’affirme : « Un retrait de la partie civile de l’agent judiciaire de l’État devrait être une conséquence de fait. »

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Selon l’élu, « l’État doit maintenant justifier le préjudice qu’il a subi afin de conserver le statut de partie civile, car il n’y a eu aucune délibération du conseil municipal lui donnant mandat de représenter la ville dans cette affaire ».

Vers une nouvelle demande de renvoi ?

Une analyse contestée par Pape Diallo – dit Zator Mbaye –, conseiller municipal appartenant à la majorité présidentielle et par ailleurs ministre conseiller à la présidence : « Dans la mesure où l’État défend les intérêts de la Ville, la mairie ne devrait pas être autorisée à se constituer partie civile. » Seul membre de l’opposition municipale a avoir fait acte de présence lors du vote, lundi, Zator Mbaye insiste également sur le fait que l’État est également présumé victime d’un préjudice, puisqu’il alimente les fonds de dotation à la commune.

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Si elle était acceptée par les juges, l’irruption de la Ville de Dakar dans le dossier pourrait également motiver une nouvelle demande de renvoi, au motif que les avocats auront besoin de s’imprégner du dossier.

Une éventualité que n’écarte par Moussa Sow : « Nous nous attendons à un long procès, si l’on compte la bataille sur les exceptions et la procédure avant d’arriver au fond de l’affaire », glisse celui qui a été chargé de porter la voix de la municipalité.

« Ils ont peur d’aller au fond ! », lançait le 3 janvier dernier, à l’ouverture du procès, Me Yérim Thiam, avocat de l’État, accusant la défense d’avoir « un agenda politique à gérer » et de vouloir « ralentir la machine judiciaire ». Contactés par Jeune Afrique, les avocats de la défense et ceux de l’État n’ont cependant pas souhaité s’exprimer avant que la demande de constitution de partie civile ne soit effectivement formulée à la barre.

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