Ghassan Salamé : « L’ONU reconnaît la dimension africaine du drame libyen »
Liste électorale, constitution, élections, sécurité… l’envoyé spécial de l’ONU en Libye, qui a répondu à JA en marge du 30e sommet de l’Union africaine, à Addis-Abeba, est optimiste, même s’il sait que de nombreux défis restent à relever pour aboutir à des élections avant la fin de l’année.
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Le chef de la mission de l’ONU pour la Libye a fait le déplacement au 30e sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine (UA), à Addis-Abeba, pour assister à la réunion du Haut comité sur la Libye. Nommé en août, le politologue libanais, professeur des universités et ancien ministre, fait le point sur sa mission alors que, selon sa feuille de route, des élections doivent se tenir en juillet prochain.
Jeune Afrique : Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, et vous-même deviez participer à la réunion du Haut comité de l’Union africaine pour la Libye, présidé par le président congolais Denis Sassou Nguesso. Elle a été reportée et vous ne pourrez y assister, mais quel message êtiez-vous venu délivrer ?
Que nous reconnaissons la dimension africaine du drame libyen. Ce mois-ci, je suis allé au Niger, au Tchad, je suis venu ici à l’Union africaine pour une consultation… Me voici une nouvelle fois aux côtés du secrétaire général pour dire que les Africains peuvent largement contribuer à une sortie de crise.
Dans une interview à JA, le général Haftar, maître de Tobrouk, a eu des propos quelque peu désobligeants à l’égard de ce Haut comité…
Je laisse à M. Haftar la responsabilité de ses propos. En ce qui nous concerne, nous reconnaissons la dimension africaine du conflit. Mais nous insistons sur le fait que les initiatives doivent converger autour du plan d’action de l’ONU. Aucun Etat membre, aucune organisation régionale – et en tout premier lieu l’Union africaine ou la Ligue des Etats arabes, que je viens de rencontrer à Addis Abeba – ne s’est interdit de contribuer à une sortie de crise. Mais tous doivent permettre le succès de notre plan d’action.
Le conseil exécutif de l’UA a, entre autres choses, abordé la question des migrations. La Libye est au cœur de la polémique depuis plusieurs mois. Avez-vous un rôle à jouer ?
Nous sommes en étroite collaboration avec l’Union européenne et l’Union africaine dans la « task force » créée au sommet UE-Afrique, en novembre, à Abidjan. Personnellement, je m’occupe de faciliter l’activité de cette force sur le terrain afin qu’on obtienne les meilleurs résultats.
Les kadhafistes et les monarchistes ont appelé la population à s’enregistrer sur les listes électorales.
A votre nomination, en août, vous présentiez un plan en trois axes comprenant un gouvernement de transition, une Constitution, puis des élections en juillet 2018. Nous sommes en janvier et aucun des deux premiers points n’a encore été validé. N’avez-vous pas été trop ambitieux ?
Beaucoup de travail reste à faire avant de pouvoir organiser les élections d’ici la fin de l’année, c’est vrai. Nous avançons, et je crois que je n’ai pas été bien compris. Nous essayons de remettre sur pieds des institutions stables et durables, ce qui repose sur trois nécessités : la réconciliation, la Constitution et les élections. Concernant la réconciliation, une unité ne s’occupe que de cela : une dizaine de groupes s’entendent désormais.
Il s’agit de réinsérer toutes les factions politiques, y compris les monarchistes et les kadhafistes, mais à deux conditions : recourir au processus politique et renoncer aux armes ; mettre fin à l’exclusion politique. Je ne dis pas que tout le monde a accepté mais beaucoup se sont engagés par écrit. Fin décembre, les kadhafistes et les monarchistes ont appelé la population à s’enregistrer sur les listes électorales – ce qu’ils n’avaient encore jamais fait.
Pour organiser des élections, il faut des électeurs
Justement, où en est la constitution de ces listes ?
Nous avons ouvert les inscriptions le 6 décembre. Il y a eu un véritable engouement, avec en moyenne 20.000 inscrits par jour. Sur les six premières semaines, nous avons enregistré 700.000 personnes. Nous espérons pouvoir atteindre au moins 2,5 millions d’électeurs fin février, notamment avec l’ouverture, la semaine prochaine, des inscriptions au million de Libyens qui vit à l’étranger.
Quand nous sommes arrivés, seul un tiers des 4,5 millions de Libyens en âge de voter étaient inscrits. Le faible taux de participation remettait en cause la légitimité des scrutins. Nous avons donc commencé par le début : pour organiser des élections, il faut des électeurs.
Désormais, il nous faut des lois. Nous travaillons actuellement, avec la chambre des députés, à la rédaction d’une loi parlementaire, d’une loi présidentielle et d’une loi encadrant le référendum. Ces législations doivent être consensuelles, afin de ne pas donner lieu à un boycott.
La sécurité doit être imposée à l’Est, négociée à l’Ouest… et elle reste très problématique dans le Sud.
Qu’en est-il de la Constitution que votre plan prévoyait ?
Le 29 juillet 2017, une semaine avant ma prise de fonction, un projet avait été adopté. Mais quand je suis arrivé, la justice avait été saisie d’un recours contre ce projet. C’est pour ça que, jusque-là, je suis resté un peu vague sur le sujet.
Le 7 février prochain, Inch Allah, la Cour suprême devrait trancher. Si elle est en sa faveur, nous irons vers le référendum. Et la liste électorale en cours de constitution vaudra aussi pour le référendum.
Le général Haftar propose de sécuriser le scrutin avec son armée. Acceptez-vous sa proposition ?
La sécurité dans le pays ne peut être assurée que d’une seule manière. Elle doit être imposée à l’Est, négociée à l’Ouest… et elle reste très problématique dans le Sud.
Vous avez expliqué ne pouvoir vous opposer à un éventuel coup de force, faute d’armée. Comment vous assurer que toutes les parties accepteront le résultat des urnes ?
On ne peut pas revenir au précédent de 2014, et n’accepter le résultat des urnes que quand il nous convient. Peut-être organiserons-nous un événement international avec l’UA, la Ligue arabe, l’Union européenne… Les acteurs viendraient s’engager, devant témoins. Nous étudions la question.
Selon Abdel Majid al-Mansouri, un proche de Seif al-Islam, ce dernier aurait déclaré son intention d’être candidat. Votre opinion ?
Je ne commente ni les propos de M. Haftar ni ceux de Seif al-Islam. Les kadhafistes ne sont pas représentés que par lui : ils comptent au moins huit organisations, que je rencontre en permanence. Nous, ce qui nous intéresse, ce sont les gens, les électeurs, les citoyens. L’itinéraire individuel d’untel ou untel ne m’intéresse pas. Qui gagne n’est pas mon problème. De quelle manière ils gagnent, en revanche, ça l’est.
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