Restitution du patrimoine africain : Emmanuel Macron donne des gages à Patrice Talon
Le président français Emmanuel Macron, qui recevait à l’Élysée son homologue béninois Patrice Talon, a annoncé lundi soir la création d’une mission « de réflexion et de consultation » pour la restitution du patrimoine africain.
« Vous imaginez dans quel état je suis ? Un bonheur à la limite de l’extase », confie tout sourire Patrice Talon, lors de la conférence de presse conjointe lundi soir avec Emmanuel Macron. Le président français vient en effet d’annoncer la création d’une mission « de réflexion et de consultation » pour la restitution à des pays africains d’œuvres d’art actuellement en France.
Une annonce en écho à son discours à l’université de Ouagadougou en novembre dernier, au cours duquel il s’était engagé à ce que « d’ici cinq ans, les conditions soient réunis pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ».
« Le patrimoine africain (…) doit être mis en valeur à Paris, mais aussi à Dakar, Lagos, Cotonou », avait alors souligné le président français, à la satisfaction des autorités béninoises qui entendent développer le tourisme mémoriel.
Un pillage de grande ampleur
Le butin de guerre sommeille toujours dans divers musées et collections privées de l’Hexagone
La mission de réflexion a été confiée par le président français à deux « personnalités incontestables » : l’historienne d’art Bénédicte Savoy, auteure d’une tribune remarquée dans Le Monde à ce sujet, et l’écrivain et universitaire sénégalais Felwine Sarr. Tous deux devront rendre leurs conclusions d’ici le mois de novembre prochain, afin de concrétiser l’engagement d’Emmanuel Macron.
Sur le continent africain, le Bénin fait figure de porte-drapeau de ce combat. Le 27 juillet 2016, le président Talon avait fait une demande officielle de restitution des œuvres d’art emportées lors de la conquête coloniale française à la fin du XIXe siècle. Le général Alfred Amédée Dodds (1842-1922), qui était à la tête de l’expédition, avait alors mené un pillage de grande ampleur des œuvres du royaume de Dahomey – l’actuel Bénin.
Un siècle plus tard, le butin de guerre sommeille toujours dans divers musées et collections privées de l’Hexagone. Difficile par contre d’estimer avec exactitude le nombre d’objets en question. 4 500, 5 000, 6 000… Certains chiffres circulent sans qu’il soit possible d’en connaître l’origine. Reste que certaines œuvres revêtent une importance symbolique particulière, à l’image des trônes des rois Ghézo, Béhanzin et Glélé, et des statues les représentant.
Une loi nécessaire
La demande du Bénin était restée lettre morte auprès des autorités françaises. Dans sa missive de décembre 2016, le Quai d’Orsay avait rétorqué que les œuvres en question « ont été intégrés de longue date, parfois depuis plus d’un siècle, au domaine public mobilier de l’État français », et sont donc « soumises aux principes d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité, et d’insaisissabilité ». « En conséquence, leur restitution n’est pas possible », avait alors conclu le ministère.
Ce sera d’ailleurs l’un des principaux obstacles, auxquels devront se confronter les deux experts nommés par le président Macron. En vertu d’un principe juridique vieux de plusieurs siècles, la législation française interdit toute possibilité de restitution, à moins de voter une loi pour déclasser une œuvre des collections nationales. Autre difficulté mis en avant par les détracteurs du projet : l’état des musées sur le continent, qui ne permettrait pas une bonne conservation des pièces.
En attendant, le président français a demandé au président du Quai Branly de se rendre prochainement au Bénin, pour travailler sur « des projets dans le domaine muséal » et favoriser « une plus grande circulation des œuvres entre (les) deux pays ».
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