Mali : quand les refoulés d’Algérie se révoltent
Une manifestation devant l’ambassade algérienne à Bamako a dégénéré lundi 12 mars. De jeunes Maliens se plaignent d’avoir été victimes de mauvais traitements après leur arrestation en Algérie.
L’ambassade algérienne à Bamako, sise dans le quartier de Daoudabougou, a été la cible de manifestants, lundi 12 mars. Jets de pierres et départ de petits incendies ont ponctué une manifestation de plusieurs dizaines de Maliens accusant les autorités algériennes de mauvais traitements. Les manifestants assurent avoir été expulsés d’Algérie dans des conditions inappropriées voire illégales. Dans un communiqué publié le 15 mars, Bamako a présenté ses regrets à Alger pour ces actes. Joint au téléphone, l’ambassadeur algérien s’est borné à nous renvoyer audit document des autorités maliennes.
La manifestation à Bamako suit une nouvelle vague d’arrestations massives de migrants originaires de pays d’Afrique subsaharienne en Algérie, les 11 et 12 mars. Selon un communiqué d’un groupe d’associations, parmi lesquelles l’Organisation marocaine des droits humains, l’AMDH Mauritanie et la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme, plus de 280 personnes ont été arrêtées en deux jours. Des arrestations « arbitraires » et « au faciès » selon ces mêmes associations. « Ils ne demandent pas les papiers, ni rien. Résultat : ils arrêtent même des Algériens noirs de peau ! », accuse une source associative au Mali.
Des jeunes lâchés dans le désert ?
Un responsable associatif d’origine camerounaise et installé au Mali raconte les incidents de Bamako. « Le 6 mars, nous avons recueilli environ 92 jeunes migrants d’entre 20 et 25 ans. Ils avaient été reconduits à la frontière quelques jours plus tôt. Ils se sont plaint de mauvais traitements, d’humiliations… Certains sont repartis vers Bamako le 8 mars. Quelques uns étaient dans la manifestation du 12. »
Un jeune Malien expulsé nie avoir pu avoir accès à un représentant des autorités consulaires maliennes après son arrestation en Algérie. Les autorités algériennes, pourtant, assurent auprès des institutions internationales laisser les autorités consulaires avoir accès à leurs concitoyens. « À l’automne 2017, le consul du Mali a voyagé jusqu’à Tamanrasset. Il voulait voir des personnes retenues dans un centre de rétention plus ou moins formel. Il n’a pas pu », assure à Jeune Afrique un responsable de l’association EuroMed Droits.
Les personnes arrêtées sont transportées sous la contrainte dans des bus sous escorte de la gendarmerie puis abandonnées en plein désert
Selon le communiqué des associations sur les expulsions des 11 et 12 mars, après un transit dans un ancien centre de loisirs à Zeralda puis dans des préfabriqués à Tamanrasset, « les personnes arrêtées sont transportées sous la contrainte dans des bus sous escorte de la gendarmerie et avec le support d’éléments du Croissant Rouge algérien, puis abandonnées en plein désert dans la zone frontalière au sud du pays. » Autrement dit, elles ne sont pas expulsées, mais reconduites à la frontière. Ce qui signifie que dans le grand sud algérien, exposées à divers dangers, le plus souvent, elles doivent traverser la frontière pour rallier la petite ville frontalière d’In Khalil pour ensuite se dirigier vers Gao. À en croire un communiqué d’Human Rights Watch, de nombreuses personnes ressortissantes de pays d’Afrique subsaharienne sont aussi renvoyées vers la frontière malienne selon les mêmes méthodes.
Le nombre des expulsions en hausse
Les raccompagnements à la frontière vers le Mali sont un fait assez nouveau. Depuis 2015, année à laquelle les arrestations et expulsions s’accélèrent, la plupart des ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne étaient renvoyés vers le Niger à la faveur d’un accord conclu entre les deux pays en 2014. En mission au centre de transit des migrants à Agadez, au Niger, le ministre de l’Intérieur nigérien, Mohamed Bazoum, n’a pas hésité à fustiger le comportement des autorités algériennes en février dernier. En cause : une propension, selon lui, à expulser au Niger, par la route, des ressortissants de différents pays d’Afrique subsaharienne. Dans une réponse adressée au Comité de l’ONU pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants en janvier 2018, les autorités algériennes assuraient avoir renvoyées environ 20 000 personnes depuis décembre 2014. Un chiffre qui semble vraisemblable à diverses sources associatives.
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