Tunisie : une dépréciation du dinar est inéluctable, selon le FMI

Le chef de la mission du FMI en Tunisie Bjorn Rother s’est montré favorable à une dépréciation supplémentaire du dinar, la jugeant nécessaire pour améliorer la compétitivité du pays. Une proposition qui, si elle était appliquée, « alimentera l’inflation, alourdira la charge de la dette et plombera davantage l’économie », selon l’économiste tunisien Aram Bekhadj.

Le représentant du FMI a estimé que le dinar devrait encore être dévalué cette année. © Vincent Fournier/Jeune Afrique-REA

Le représentant du FMI a estimé que le dinar devrait encore être dévalué cette année. © Vincent Fournier/Jeune Afrique-REA

Publié le 6 avril 2018 Lecture : 3 minutes.

Une dépréciation graduelle du dinar est inéluctable, a affirmé mardi à Bloomberg le chef de la mission du FMI en Tunisie Bjorn Rother. Le représentant du FMI estime que le taux de change réel du dinar, qui prend compte du rapport des prix à l’exportation avec les pays concurrents, est surévalué de 10% à 20%.

Le FMI plaide pour un taux de change « compétitif »

Soulignant que l’ajustement ne sera pas « brutal », l’expert de Washington affirme que « si vous voulez attirer des investissements et si vous voulez développer vos exportations, vous devez être plus compétitif dans l’économie mondiale et le moyen plus simple d’y parvenir est de s’appuyer sur un taux de change réellement compétitif ».

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Cette baisse de la valeur du dinar face aux monnaies étrangères permettrait donc, selon le FMI, de réduire le déficit commercial et aiderait à reconstituer les réserves de change qui sont actuellement un très bas niveau.

Des déclarations qui font écho à celles de Mitsuhiro Furusawa, directeur général adjoint du FMI. « Dans la continuité de la dépréciation du taux de change réel en 2017, la flexibilité du taux de change demeurera essentielle afin de corriger la surévaluation restante du taux de change réel, de réduire le déficit des transactions courantes et de reconstituer les réserves de change », déclarait-il le 23 mars, à l’issue de la réunion du conseil d’administration du FMI qui a abouti au décaissement de 257,3 millions de dollars, correspondant à la troisième tranche du prêt de 2,9 milliards de dollars accordé en 2016 à la Tunisie.

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Les risques d’une dévaluation

Depuis mai 2017, le dinar a perdu 19 % de sa valeur par rapport à l’euro (1 euro vaut aujourd’hui 3 dinars, contre 2,45 il y a un an). La Banque centrale de Tunisie (BCT) avait donné l’alerte en signifiant en février 2018, assurant qu’elle ne pourrait pas défendre indéfiniment le dinar « quand bien même elle le voudrait », tout en soulignant qu’une dépréciation brutale pourrait alimenter l’inflation et susciter des mouvements protestataires.

Les solutions proposées à notre pays ne sont pas convenables, voire graves, pour l’économie et la paix sociale

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« Cette recommandation n’aura certainement pas l’impact déclaré. Au contraire, elle alimentera l’inflation, alourdira la charge de la dette et plombera davantage l’économie », estime l’universitaire et chercheur en économie, Aram Belhadj, cité par l’agence de presse TAP.

« Les solutions proposées à notre pays ne sont pas convenables, voire graves, pour l’économie et la paix sociale », estime-t-il. Pour l’économiste, « le flottement tant souhaité par le FMI sera (…) un acte suicidaire pour une économie qui n’a pas su agir et commencer à bâtir les jalons d’un nouveau modèle de développement ».

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Le 15 mars, l’agence de notation Moody’s avait baissé la note souveraine de la Tunisie – la dégradant de B1 à B2 -, justifiant sa décision par « une augmentation graduelle de la dette publique, à partir d’un niveau déjà élevé, le renchérissement du coût de la dette, des risques liés au passif éventuel et une structure d’endettement qui rend la Tunisie vulnérable à un changement dans la volonté des créditeurs étrangers de financer ses besoins de financement contribuent à un affaiblissement de la situation budgétaire ».

L’agence prévoit que la dette publique tunisienne va atteindre un sommet en 2019, à 73 % du PIB (contre 70,2 % en 2017 et 61,9 % en 2016). Avec plus de 65 % de la dette en devise, la trajectoire de l’endettement publique est sensible à une dépréciation marquée du dinar, indique Moody’s, dans un contexte où le déficit du compte courant a continué à s’amplifier, passant de 8,8 % du PIB en 2016, à 10,4 % en 2017. Les réserves de change ont été réduites à 78 jours d’importation en mars 2018.

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