Tunisie : malgré la crise, Youssef Chahed décline les mêmes réformes économiques

Le chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed a présenté mercredi un plan de réformes pour sortir le pays de la crise. Une initiative qui soulève de multiples interrogations sur son bien-fondé. Décryptage.

Youssef Chahed, le chef du gouvernement tunisien, lors d’une conférence le 7 avril 2017. © Hassene Dridi/AP/SIPA

Youssef Chahed, le chef du gouvernement tunisien, lors d’une conférence le 7 avril 2017. © Hassene Dridi/AP/SIPA

Publié le 12 avril 2018 Lecture : 3 minutes.

« La Tunisie a besoin que de grandes réformes s’imposent », a martelé le chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed dans un discours prononcé mercredi 11 avril à Tunis, à l’occasion de la tenue de la conférence nationale sur les réformes majeures. Réforme du secteur fiscal, bancaire, des caisses sociales, du système de compensation et du secteur public… Youssef Chahed y a décliné une liste de cinq points, qui sont déjà inscrits au programme de son gouvernement depuis sa prise de fonction. À la seule différence que la Tunisie est depuis entrée en austérité et n’a pas les moyens financiers pour conduire ces changements.

Des réformes impopulaires

En effet, la situation actuelle n’est guère reluisante. Un système en panne, une économie en berne, un pays immobile… Depuis la chute du régime de Ben Ali en 2011, le pays peine à entamer les réformes structurelles sur lesquelles tous s’accordent pourtant sur leur nécessité. L’exécutif s’est d’ailleurs engagé à les réaliser pour obtenir les appuis financiers du Fonds Monétaire International (FMI) et d’autres bailleurs de fonds.

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Le déficit des caisses sociales pourrait conduire à réduire les retraites, le dinar va encore subir une dévaluation après une perte de valeur de 20 % en huit mois vis-à-vis de l’euro, la pharmacie centrale ne répond plus aux besoins en médicaments. La Tunisie est en situation précaire : « En sept ans, tout un système a été détruit sans que personne ne rende des comptes », martèle Aziz Menchari, un retraité du secteur du transport qui refuse que l’on ampute sa pension déjà maigre et qui attribue les dysfonctionnements à un manque de volonté politique et à la corruption qui gangrène le pays.

Rétropédalage et précisions

Youssef Chahed a fait des concessions pour complaire à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), puissant syndicat qui exige son départ. Il n’est plus question de privatisations mais d’un retrait de l’État dans les sociétés où sa participation est faible. En marge de la conférence nationale sur les réformes majeures, le patronat a présenté une batterie de mesures de sauvetage de l’économie, sans être vraiment entendu. Le chef du gouvernement revient sur l’informel, sans pour autant proposer des solutions.

Nous avons trop chanté, trop dépensé ce que nous n’avions pas », analyse un économiste

« La lutte contre l’informel ne nous sortira pas de l’ornière, on ne lutte pas contre le marché, on essaye de le comprendre et de l’encadrer », précise l’économiste et chef d’entreprise Radhi Meddeb, qui souligne que depuis 30 ans, le taux d’inflation de +7,6 % n’a jamais été aussi élevé. « Nous avons trop chanté, trop dépensé ce que nous n’avions pas. Nous allons nécessairement devoir se serrer la ceinture », conclut-il.

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 Des relations tendues avec Carthage

Depuis près d’un mois, sous la férule du président Béji Caïd Essebsi, les partis et les organisations nationales signataires de l’accord de Carthage travaillent à une nouvelle feuille de route du gouvernement d’union nationale. La conférence menée par Youssef Chahed prend des allures de passage en force de l’exécutif, qui anticipe les recommandations de cette feuille de route en présentant les réformes prioritaires alors qu’il se sait être sur la sellette.

Ce gouvernement, qui émane de l’accord de Carthage, a le soutien de la présidence », affirme Saïda Garrach

Certains y voient des dissensions entre Carthage et la Kasbah, mais la porte-parole de la présidence de la République, Saïda Garrach, assure que « la crise entre la présidence du gouvernement et la présidence de la République – et à laquelle des gens poussent -, n’existe pas ! Pour nous, les choses sont claires. Ce gouvernement, qui émane de l’accord de Carthage, a le soutien de la présidence ».

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Mais les doutes persistent, d’autant que la conférence n’a rien annoncé de nouveau et se résume surtout à une opération de communication avec l’idée de se maintenir en poste.

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