Maroc : Jamila El Moussali, la « féministe islamiste » du PJD
La secrétaire d’État chargée de l’Artisanat et de l’économie sociale, Jamila El Moussali, a été élue le week-end dernier à la tête de l’organisation des femmes du parti de la justice et du développement (PJD). Portrait d’une « féministe islamiste ».
C’est une figure de la deuxième génération que le PJD a choisi pour piloter sa section féminine. Jamila El Moussali, 49 ans, secrétaire d’État à l’Artisanat, a été élue nouvelle présidente de l’Organisation des femmes du PJD à l’issue de son deuxième Congrès qui s’est tenu le samedi 5 mai à Bouznika (40 km au sud de Rabat). Elle succède à Bassima Hakkaoui, actuelle ministre de la Famille et de la solidarité, à la tête de cette instance depuis sa création en 2011.
Jamila Em Moussali a fait ses classes au sein du parti islamiste, qu’elle a intégré du temps où elle était à l’université. Alors membre actif de l’influente organisation estudiantine du parti, elle a croisé le fer avec les gauchistes dans les années 1990. « Elle fait partie de la deuxième classe dirigeante du PJD qui a gravi les échelons petit à petit », témoigne un de ses collègues au parti.
Spécialiste de la « question de la femme », à laquelle elle a consacré de nombreux ouvrages académiques, cette docteure en Histoire a fait partie du noyau dur du PJD qui a mené bataille contre les modernistes, au tout début des années 2000, sur la réforme du Code du statut personnel, la Moudawana. À l’époque, Bassima Hakkaoui et Khadija Moufid se faisaient les porte-voix du parti islamiste sur la nécessité de préserver la polygamie et sur « le danger d’une nouvelle loi qui veut simplement faire plaisir à l’Occident ».
Dans les coulisses
« Bien qu’elle ait un discours pragmatique, Jamila Mossali n’aime pas se mettre en avant. Elle évite l’exposition médiatique », affirme l’une de ses collègues au parti. Pourtant, on lui reconnaît un rôle crucial dans la diffusion de la pensée islamiste à travers l’association du Renouveau de la conscience féminine, bras idéologique du PJD sur les questions liées à la femme.
Dans les années 2000, elle multipliait les conférences sur « le féminisme islamiste », un concept qui s’est imposé dans le sillage de la montée des partis islamistes dans le monde arabe et les menaces que cela faisait planer sur les droits des femmes. Elle et ses consoeurs prônaient une émancipation féminine à l’ombre du Coran et de la souna, mettant en avant l’importance du respect du « rôle de la femme au sein de la famille ».
Contrairement à une Bassima Hakkaoui fougueuse qui dénonce régulièrement « les dérives morales de la société marocaine » – lui valant, au passage, l’animosité des associations féministes – Jamila Mossali manie les formules plus politiquement correctes pour exprimer la même ligne.
Cependant, à l’exception de son leitmotiv sur l’accession des femmes aux postes à responsabilités et leur représentativité politique, elle ne s’est pas illustrée par des positions avant-gardistes sur les grands débats d’actualité. À titre d’exemple, elle évite soigneusement de parler de l’avortement, alors que certains de ses collègues masculins du PJD, Saadeddine El Othmani en l’occurrence, osent des positions plus hardies.
Le clan des ministres anti-Benkirane
Parlementaire du PJD depuis 2002, elle devient ministre en avril 2015. Cette année-là, elle remplace au pied levé sa collègue du PJD, Soumaya Benkhaldoun, déchue de son poste de ministre déléguée à l’Enseignement supérieur suite à un scandale de polygamie – elle s’est révélée être la seconde épouse du ministre islamiste Lahbib Choubani – qui avait ébranlé le gouvernement Benkirane.
Fin 2017, au moment où l’ancien secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, bataillait en coulisses pour décrocher un troisième mandat, Jamila El Moussali faisait partie du clan des ministres qui demandait un changement de leadership. « Elle était proche de Benkirane mais a choisi l’autre option, la plus équilibrée », assure un de ses collègues au parti.
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