Pourquoi « Jeune Afrique » est absent en Algérie
Suite à une décision unilatérale du gouvernement algérien, notre magazine « Jeune Afrique » est absent des kiosques algériens depuis le 23 avril dernier. JA interdit ? Indésirable ? Censuré ? Nous vous dévoilons les dessous d’une situation totalement indépendante de notre volonté.
Depuis le 23 avril dernier, notre magazine Jeune Afrique est absent des kiosques en Algérie. Des lecteurs, des amis, de fidèles compagnons qui nous suivent depuis des décennies, des responsables d’institutions publiques et privées, des confrères, des opérateurs économiques ou encore des diplomates accrédités à Alger ne cessent de s’interroger et de nous questionner et sur cette absence prolongée et qui hélas risque de durer. JA interdit ? Indésirable ? Censuré ? Suspendu jusqu’à nouvel ordre ? JA boycotte-t-il ses lecteurs en Algérie ? Pour clarifier la situation, éclairer l’opinion et lever les équivoques, nous vous devons des explications.
Décision unilatérale
L’absence de Jeune Afrique ne relève pas de notre choix, mais d’une décision qui nous a été imposée par le gouvernement algérien sans concertation et sans consultation. Comment et pourquoi cette décision unilatérale ? Fin mars, notre distributeur sur place reçoit une notification du ministère algérien de la Communication dans laquelle il lui est demandé de ne plus importer Jeune Afrique ainsi que d’autres titres édités par Jeune Afrique Media Group (The Africa Report et La Revue). Seul un quota de 350 exemplaires de JA, destiné aux diverses institutions, est autorisé à l’importation.
Cette décision de mettre un terme à l’importation de la presse ne concerne pas uniquement nos publications. Elle touche de nombreux titres internationaux comme Le Monde, Le Figaro, Afrique Magazine, Paris Match, L’Equipe ou Le Canard Enchaîné. Mais contrairement à Jeune Afrique qui reste absent des kiosques, nos confrères sont toujours disponibles chez les buralistes d’Alger et ailleurs. Pourquoi ? Mystère.
Venons-en maintenant à l’argument qui justifie cette décision. Les autorités algériennes, nous dit-on, entendent faire des économies en devises en supprimant ou en limitant drastiquement l’importation de la presse internationale. Sous couvert de l’anonymat, un conseiller au ministère de la Communication nous explique : « Il n’y a aucune censure qui frappe Jeune Afrique, rassure-t-il. En raison de la politique d’austérité imposée par la crise, le gouvernement a décidé de serrer la vis sur les importations. Aucun secteur n’est épargné. La presse étrangère est donc concernée. C’est une mesure temporaire qui peut être levée à un moment opportun. »
Une mesure préjudiciable
On savait que la crise qui touche l’Algérie en raison de la chute de revenus pétroliers était aiguë, pour l’avoir largement rapportée, expliquée et décryptée dans nos colonnes et sur notre site depuis le début de la dégringolade des cours du pétrole à l’été 2014. Mais qu’un grand pays comme l’Algérie en soit aujourd’hui réduit à limiter l’importations de journaux, qui restreint donc, pour ne pas dire interdit, l’accès de sa population à l’information et à la culture, pour manque de devises, en dit long sur la gravité de la situation. On connaît suffisamment le caractère chatouilleux et ombrageux des responsables algériens quand ils entendent des critiques qui mettent en cause, étrillent ou questionnent leur mode de gouvernance. Mais suspendre les journaux étrangers est-il sérieusement de nature à réduire cette facture des importations qui, malgré toutes les mesures, tous les tours de vis, toutes les restrictions et toutes les professions de bonne foi, n’arrive pas à descendre sous la barre de 44 milliards de dollars par an ?
Ce n’est pas en privant les Algériens de journaux étrangers – ce qui ne va pas, au passage, améliorer son classement international en matière de protection et de respect de la presse -, que le gouvernement fera des épargnes en devises et réduira son déficit commercial. On peut encore importer des kiwis, du Nutella, des bananes, des Kinder Surprise, ou de la mayonnaise en tube mais pas la presse étrangère.
Aberrant, désuet et surtout en porte-à-faux avec les accords que l’Algérie a signé avec l’UE. Le droit de la libre circulation de l’information doit être garanti et protégé comme le droit à la libre circulation des personnes.
En attendant que le gouvernement revienne à de meilleurs sentiments en abrogeant cette mesure préjudiciable pour tout monde, y compris pour l’image de l’Algérie, nous présentons à nos lecteurs nos excuses pour notre absence qui est, bien sûr, indépendante de notre volonté. Nous les invitons à continuer à nous suivre et à nous lire sur notre site internet et à travers son édition digitale téléchargeable.
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