Le diplomate et son destin
Raymond Ramazani Baya, universitaire, ex-journaliste et ancien ambassadeur à Paris, a été nommé le 23 juillet ministre des Affaires étrangères.
« C’est un homme d’éthique, un Monsieur », souligne un universitaire congolais. « Il est structuré, courtois, poli et il arrive toujours à l’heure à ses rendez-vous », précise l’un de ses anciens employeurs. « Il a le sens des responsabilités et il a su rester digne dans des moments difficiles », renchérit un diplomate sénégalais. Difficile de trouver un détracteur de Raymond Ramazani Baya, ex-journaliste, ancien diplomate, nommé, dans la nuit du 22 au 23 juillet, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de la République démocratique du Congo (RDC). Pourtant, cet homme doux et affable a servi Mobutu, dont il fut l’ambassadeur en France de 1990 à 1996. Et il a eu maille à partir avec la justice française pour un drame qu’il continue, aujourd’hui encore, de porter comme une croix.
Nous sommes le 23 novembre 1996 à Menton, dans le midi de la France. Au volant d’une Fiat Punto de location, l’ambassadeur Ramazani Baya fauche deux adolescents de 13 ans dans une rue de la ville. Le premier est tué sur le coup, le second décédera quelques jours plus tard à l’hôpital. L’horreur. Le diplomate, qui se rendait auprès de Mobutu à la villa Del Mare de Roquebrune Cap-Martin, où celui-ci soignait son cancer, est d’autant plus choqué qu’il roulait à 90 km/h, bien au-delà de la vitesse autorisée dans un centre-ville. En homme d’honneur, Ramazani Baya, lui-même père de famille, choisit de ne pas se réfugier derrière son statut diplomatique. Rappelé à Kinshasa, il revient en France pour y répondre du chef d’inculpation d’homicide involontaire. Il est finalement condamné le 29 avril 1997 à deux ans de prison avec sursis et 56 000 FF d’amende. Aujourd’hui, le voilà chef de la diplomatie congolaise !
Né le 16 juin 1943 à Beni, dans le Nord-Kivu, au sein d’une famille originaire de la province du Haut-Zaïre, Ramazani Baya a étudié le journalisme à Paris et les sciences politiques à Bruxelles et à Anvers, avant de devenir reporter à la Radiotélévision zaïroise, cadre, puis, à compter de 1982, PDG de l’Agence zaïroise de presse, l’Azap. Ministre de l’Information, deux ans plus tard, il devient en 1987 « conseiller principal » à la présidence. Mobutu, dont il fut l’un des proches, l’apprécie et l’envoie, le 10 janvier 1990, comme ambassadeur à Paris. Après ses démêlés judiciaires et la mort du dictateur, Ramazani Baya, qui est dans le collimateur de Laurent-Désiré Kabila, le nouveau maître du Zaïre (alors rebaptisé République démocratique du Congo), décide de s’installer en France. Il fera une brève apparition, du 4 septembre 2000 au 2 février 2001, au sein du Groupe Jeune Afrique, où il a laissé de bons souvenirs : « Je garde de lui l’image d’un être de qualité, confirme Danielle Ben Yahmed. Il était chargé de mission et, à ce titre, nous lui avions demandé d’être notre ambassadeur auprès des pays d’Afrique centrale. »
Très vite rattrapé par le virus de la politique, Ramazani Baya rejoint le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, ex-chef de guerre devenu vice-président de la République. C’est à lui qu’il doit aujourd’hui d’être ministre, le gouvernement de la RDC étant composé, à l’instar des autres institutions du pays, de membres issus des différents partis ou groupes armés ayant participé au dialogue intercongolais de 2002 en Afrique du Sud. Il remplace aux Affaires étrangères un homme tout aussi respectable et apprécié, également membre du MLC, Antoine Ghonda Mangalibi, limogé à la surprise générale pour… « inefficacité ».
Dans un communiqué daté du 23 juillet, le mouvement de Jean-Pierre Bemba justifie, en effet, le départ de cet homme dont le franc-parler est connu, par « la gestion approximative des services de l’administration et des ambassades, la confusion dans la gestion des passeports, l’absence de disponibilité des membres de son cabinet à répondre aux préoccupations des chancelleries et le manque de préparation et de suivi des dossiers ». « Le MLC, poursuit le document, a pris le parti de privilégier le professionnalisme au détriment du spectacle, afin d’obtenir des résultats tangibles et durables. » Bien entendu, le ministre remercié, qui s’était beaucoup rapproché, ces derniers temps, du président Joseph Kabila, au grand dam de ses camarades de parti, n’est pas de cet avis : « J’ai appris mon limogeage par la presse. Ce n’est pas professionnel. C’est tout à fait normal qu’un mouvement décide de changer de ministre. La décision est souveraine, mais je ne puis accepter que l’on parle, me concernant, d’inefficacité. »
De fait, Antoine Ghonda Mangalibi était en sursis depuis plusieurs semaines. Issu du quota du MLC au sein du gouvernement de transition, il ne pouvait être maintenu à son poste contre l’avis du leader de ce mouvement, Jean-Pierre Bemba. Lequel a demandé et obtenu sa tête à la suite d’une altercation que le ministre a eue avec le président ougandais Yoweri Museveni, parrain du MLC, en marge du dernier sommet de l’Union africaine, à Addis-Abeba. « En Éthiopie, j’ai démontré qu’une des propositions faites par le gouvernement ougandais remettait gravement en question la souveraineté de la RDC, souligne Ghonda. Je l’ai donc réfutée catégoriquement. Je ne vois pas pourquoi un pays voisin nous dicterait sa loi. Je reste ferme sur ma position, n’en déplaise aux présidents ougandais et rwandais. »
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