La Tunisie devient autonome

Publié le 26 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

En ce début d’été 1954, la France est enlisée dans la guerre d’Indochine. Le président Vincent Auriol désigne Pierre Mendès France pour former un nouveau gouvernement. Investi le 18 juin par l’Assemblée nationale, le nouveau président du Conseil s’engage à conclure la paix indochinoise et à apaiser le Maghreb, où les revendications nationalistes se font pressantes. Après avoir signé, le 21 juillet, à Genève, les accords d’armistice avec les principales parties indochinoises, il débarque, le 31 juillet au matin, à Tunis, où l’intensification des attentats contre les Français et les Tunisiens « traîtres » crée une atmosphère délétère.

Mendès France est décidé à engager une politique volontariste pour mettre un terme à la violence qui déchire la Tunisie depuis l’arrêt des négociations franco-tunisiennes en 1951. Il sait qu’il jouit d’un préjugé favorable auprès du Néo-Destour, parti nationaliste créé en 1934, depuis qu’il a défendu, en 1952, en tant qu’avocat, des militants nationalistes. Après son investiture, son émissaire Alain Savary a rencontré Bourguiba à deux reprises, les 4 et 18 juillet. Le chef du Néo-Destour avait été transféré de l’île de la Galite, au nord de la Tunisie, où il a passé deux ans de dur exil solitaire, à l’île bretonne de Groix, puis au village d’Amilly, à 100 kilomètres de Paris. Mendès France a lui-même rencontré, à plusieurs reprises, à Genève, Mohamed Masmoudi, porte-parole et représentant du Néo-Destour en France.
Aussitôt débarqué, ce 31 juillet, à l’aéroport d’El-Aouina, dans une capitale tunisienne en état de siège, Mendès France se dirige vers le palais de Carthage, accompagné du ministre des Affaires tunisiennes et marocaines Christian Fouchet et du maréchal Juin. Au bey de Tunis, Sidi Lamine, interloqué par cette visite inopinée, le dirigeant de la puissance protectrice déclare solennellement : « L’autonomie interne de l’État tunisien est reconnue et proclamée sans arrière-pensée par le gouvernement français… » Il ajoute que la France est prête à « transférer à des personnes et à des institutions tunisiennes l’exercice interne de la souveraineté ». Enfin, il annonce l’ouverture de négociations pour rédiger des conventions « destinées à fixer clairement les droits des uns et des autres » et précisant « les obligations réciproques des deux pays et les garanties reconnues à la France et aux Français habitant en Tunisie », n’omettant pas de souligner, au passage, « la valeur remarquable des élites tunisiennes ».
Sur le fond, cette proclamation n’apporte rien de nouveau : l’autonomie interne était promise depuis une quinzaine d’années. Survenue après de douloureux affrontements, elle suscite cependant une vive émotion chez les Tunisiens. Plus que le contenu de la proclamation, ces derniers apprécient le ton, la conviction et l’accent de sincérité de Mendès France. L’opinion internationale approuve. En France, la presse ne cache pas sa satisfaction. Grâce à ce « coup de Carthage », la « guerre de Tunisie » a été évitée.

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Signée le 3 juin 1955, la convention consacrant l’autonomie tunisienne provoque cependant une division au sein du Néo-Destour, entre les partisans de Bourguiba, prônant une indépendance obtenue pacifiquement « à travers des étapes, avec l’aide de la France et sous son égide », et ceux de Salah Ben Youssef, exigeant une indépendance totale et immédiate, ligne dure qui aurait pu conduire à une guerre frontale avec la France et, donc, à un bain de sang. Le différend entre les deux leaders du Néo- Destour ne tarde pas à être tranché en faveur du premier. L’indépendance est proclamée le 20 mars 1956 et, le 25 juillet 1957, la monarchie est abolie, la République proclamée. Bourguiba en devient le premier président.

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