Aux grands maux les grands remèdes
Depuis 1960, la RDC a vécu dans un contexte d’instabilité permanente. La situation économique et sociale qui en résulte est aujourd’hui catastrophique : le chômage touche presque 90 % de la population active ; le revenu par tête d’habitant est parmi les plus bas de la planète ; le PIB a diminué de plus de 70 % pendant les vingt-cinq dernières années ; moins de 4 % de la population a accès à l’eau potable et à l’électricité ; les infrastructures (routes, ports, aéroports, voies ferrées, etc.) sont très peu développées ; le pays est surendetté et incapable de faire face à ses obligations ; et plus de 90 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté de 1 dollar par jour. Il n’existe pas d’administration publique fonctionnelle couvrant tout le pays. En bref, les conditions préalables au développement durable d’un pays ne sont pas réunies.
Compte tenu de l’échec du modèle de développement suivi depuis l’indépendance du pays et de la situation politique, économique et sociale dramatique dans laquelle se trouve la RDC aujourd’hui, les efforts doivent s’inscrire dans un projet de société. C’est dans cet esprit que je propose un Plan national de développement sur trente ans. Ce projet est conçu pour être, comme pour l’Europe au sortir de la Seconde Guerre mondiale, une sorte de « plan Marshall pour la RD Congo ». Contrairement à d’autres programmes qui sont axés sur la distribution de nourriture et de médicaments aux populations, cette initiative vise à créer des opportunités pour que le peuple puisse se prendre lui-même en charge définitivement.
Sa mise en oeuvre nécessitera 500 milliards de dollars sur les trente prochaines années. Le gouvernement contribuerait pour 150 milliards, dont la moitié proviendrait du budget national et l’autre moitié des emprunts tant nationaux qu’internationaux. Le solde de 350 milliards serait apporté par le secteur privé. Cela constitue une somme colossale, mais nécessaire pour éviter de faire des changements « cosmétiques », sans impact réel sur le niveau de vie des populations. Cette somme peut être mobilisée grâce à des politiques saines menées par des institutions stables. La stratégie à long terme repose sur le secteur privé en tant que principal moteur de la croissance, et elle s’apparente à la politique de développement mise en oeuvre par les pays asiatiques. Sa philosophie économique est fondée sur le libéralisme à visage humain. Il implique la normalisation des relations avec les bailleurs de fonds, la réhabilitation des infrastructures économiques, la révision du système judiciaire, la restructuration du secteur financier et le désengagement progressif de l’État du secteur productif. Le plan comporte également une stratégie globale pour la restructuration des services de sécurité et de l’administration publique. Il porte enfin sur l’instauration d’un environnement attrayant pour les investisseurs locaux et étrangers, permettant de créer des emplois, d’accroître la production nationale et de redorer le blason du pays.
Le retour à la paix constitue la condition préalable à la réussite de ce plan. Le Revenu national brut par habitant passerait de 110 dollars à environ 4 000 dollars en l’espace de trente ans. La RDC connaîtrait le plein emploi dès la quinzième année de sa mise en oeuvre ; elle aurait même besoin de faire appel à la main-d’oeuvre étrangère qualifiée. Une telle réalisation confirmerait la RDC dans son rôle de moteur économique au sein de l’Afrique. Le recours à la main-d’oeuvre qualifiée d’autres pays constituerait l’élément stabilisateur pour la région des Grands Lacs. Les habitants des pays limitrophes pourraient venir travailler en RDC. À ce titre, ce plan de développement est un bon complément au Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad). En conclusion, la RDC est un géant endormi qui a besoin de se réveiller de son profond sommeil. Pour ce faire, le peuple congolais dans son ensemble doit s’impliquer. Il doit prendre son destin en main. Le plan Marshall que je propose pour le Congo est l’un de ces instruments qui pourrait permettre de mobiliser tout un peuple autour d’un projet de société nouvelle.
* Spécialiste financier principal à la Banque mondiale. Les idées exprimées dans cet article n’engagent que l’auteur.
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