Patrick Mboma : « Je veux rejouer avec les Lions ! »

Après un intermède cauchemardesque en Libye, le meilleur joueur camerounais de sa génération a posé ses valises au Japon. Son rêve : décrocher un troisième titre de champion d’Afrique avec la sélection nationale.

Publié le 21 octobre 2003 Lecture : 5 minutes.

En janvier 2003, après quatre saisons passées en Italie (Cagliari, Parme) et en Angleterre (Sunderland), Patrick Mboma (33 ans), le flamboyant attaquant des Lions indomptables camerounais, a pris la direction du FC Tokyo Verdi, un club de première division japonaise. Un retour aux sources pour un joueur qui fut le premier Africain à évoluer dans le championnat nippon (au Gambas Osaka, en 1997-1998). Ses performances en J-League, où il a terminé meilleur buteur, lui ont apporté la reconnaissance et fait gagner définitivement sa place en équipe du Cameroun.
Né à Douala, Mboma est arrivé en France à l’âge de 2 ans. Champion olympique à Sydney, en 2000, il a gagné deux fois la Coupe d’Afrique des nations (CAN), en 2000 et 2002. Il a aussi été Ballon d’or africain en 2000 et a disputé deux Coupes du monde, en 1998 et 2002. Mais il garde un souvenir amer du Mondial asiatique, l’an dernier. Favori de son groupe qualificatif avec l’Allemagne, le Cameroun avait en effet été sorti au premier tour d’une compétition abordée dans des conditions catastrophiques : arrivée en Asie avec cinq jours de retard, problèmes de primes non réglées, préparation fantaisiste…
Mboma, qui rêvait de gagner le trophée suprême, a très mal vécu cet échec et ne s’est pas privé de le faire savoir. Sa franchise a-t-elle déplu en haut lieu ? En tout cas, cela fait plus d’un an maintenant qu’il n’a plus revêtu le maillot des Lions indomptables. À moins de trois mois du coup d’envoi de la CAN 2004, en Tunisie, Mboma rêve d’aider son pays à conserver son titre.

J.A.I. : Pourquoi avez-vous choisi le Japon ?
Patrick Mboma : C’est affectif. J’avais une piste à Birmingham, en Angleterre, qui était plus intéressante financièrement, mais j’ai préféré revenir dans un pays que je connais bien et que j’apprécie. En 1998, je suis parti d’Osaka avec les larmes aux yeux. Je me suis promis de revenir au Japon et, pourquoi pas, d’y finir ma carrière. L’aspect
familial a aussi joué. À Tokyo, mes enfants peuvent suivre une scolarité normale, à l’école américaine. Je sortais d’une expérience désastreuse en Libye et j’avais besoin de
sérénité.
J.A.I. : Qu’est-ce qui vous a incité à rejoindre Al-Ittihad, le club de Saadi Kadhafi ?
P.M. : Je jouais en Italie depuis quatre ans et j’avais envie de changer d’air. En août 2002, j’ai été contacté par le fils Kadhafi, qui rêvait de lancer le football libyen. Il m’a proposé d’aider son club à remporter la Ligue des champions d’Afrique. C’était un beau challenge. Et les conditions financières étaient très intéressantes. Mais mon arrivée a suscité des jalousies. Il s’est laissé convaincre que j’étais trop payé, et
la situation est vite devenue insupportable. En décembre 2002, n’en pouvant plus, je suis allé voir la FIFA [la Fédération internationale] pour demander à être libéré, et j’ai
obtenu gain de cause. Mais les cinq mois de salaire qu’on me doit ne m’ont toujours pas été payés. Je vais me battre pour les récupérer.
En fait, j’ai été idiot, car j’avais
déjà eu l’occasion de jouer en Libye, avec l’équipe du Cameroun. À l’époque, je m’étais dit que jamais je n’irais passer mes vacances là-bas ! Saadi n’a pas tenu ses engagements.
En Libye, le football est entre ses mains. C’est son jouet.
J.A.I. : Que vaut-il en tant que joueur ?
P.M. : Techniquement, il peut faire illusion. Mais il est loin d’avoir l’envergure d’un joueur de Série A italienne
J.A.I. : Le football japonais a-t-il changé depuis 1998 ?
P.M. : L’équipe nationale a énormément progressé, mais le championnat reste très hétérogène. Dans une même équipe, il y a une énorme différence entre le meilleur joueur et le moins bon. Le sens tactique est moins développé qu’en Italie, les consignes des entraîneurs ne sont pas toujours assimilées. Mais les matchs sont très ouverts, très spectaculaires. Et le public est d’une parfaite sportivité : jamais il ne conspue l’équipe
adverse.
J.A.I. : Porterez-vous à nouveau le maillot de l’équipe du Cameroun ?
P.M. : Cela fait presque un an et demi que je n’ai pas joué en sélection. J’ai d’abord été blessé. Ensuite, je n’ai pas voulu participer à la Coupe des confédérations, parce que je n’avais pas digéré la Coupe du monde 2002. Je n’avais pas envie d’y aller pour faire de la figuration, je ne triche pas.
Mais maintenant, je rêve d’aller en Tunisie pour aider le Cameroun à remporter un troisième titre africain consécutif. Je n’ai aucun
problème avec l’entraîneur. En revanche, il y a sans doute eu des incompréhensions avec les dirigeants. Certains ont pu croire que je leur tirais dessus, alors que j’ai
simplement voulu les aider à prendre conscience de la situation. Pour les aider à trouver des solutions. Car le foot camerounais a les moyens d’aller encore beaucoup plus haut ! Je peux encore rendre service. Après tout, si Samuel Eto’o, notre meilleur atout, a eu la possibilité de briller, c’est aussi grâce à moi. Sur le terrain, notre entente est exceptionnelle Mais je ne mendie pas une place en sélection.
J.A.I. : Êtes-vous surpris par les performances d’Eto’o en Liga espagnole ?
P.M. : Non, on connaît les qualités du joueur. C’est peut-être le meilleur que le Cameroun ait jamais produit, sans vouloir offenser Roger Milla. S’il garde la tête froide, s’il travaille à fond pour devenir le meilleur joueur du monde, il peut y arriver.
J.A.I. : Les joueurs africains en Europe jouissent-ils de la même considération que les autres, Européens ou Sud-Américains ?
P.M. : Non, je ne crois pas. Après mes premiers mois à Parme, je pensais pouvoir prétendre à une place de titulaire. Mais mes dirigeants n’ont pas été honnêtes, ils ne
m’ont pas véritablement placé en situation de concurrence, ils m’ont utilisé comme
« joker ». Quand Slavo Milosevic est arrivé, il fallait absolument le faire jouer pour amortir le montant de son transfert. Mais il n’était pas meilleur que moi.
Attention, je ne dis pas qu’il y a une discrimination systématique à l’encontre des joueurs africains, mais il y a quand même des trucs pas normaux. Eto’o, par exemple, devrait déjà jouer dans un grand club. Et le Sierra-Léonais Mohamed Kallon, qui est aujourd’hui à l’Inter de Milan, a été longtemps baladé dans toute la péninsule, de la Reggina à Vincenza…
Pour s’épanouir, un joueur a besoin de reconnaissance. Il doit sentir la confiance de ses dirigeants. Avec les Africains, les clubs prennent souvent moins de gants. Si je deviens un jour agent de joueur, j’aimerais pouvoir aider à lutter contre ce phénomène

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires