RD Congo : le ras-le-bol fiscal des patrons

Alors que le niveau d’imposition chute, les entreprises dénoncent le matraquage fiscal dont elles s’estiment victimes. Décryptage d’un paradoxe.

En RD Congo, les entreprises dénoncent un matraquage fiscal, alors que le niveau d’imposition baisse. © Glez

En RD Congo, les entreprises dénoncent un matraquage fiscal, alors que le niveau d’imposition baisse. © Glez

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 27 mai 2014 Lecture : 3 minutes.

En RD Congo, Jeune Afrique se penche sur un paradoxe : alors que le niveau d’imposition chute, les entreprises dénoncent le matraquage fiscal dont elles s’estiment victimes.

Tension

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Il y a comme une tension entre le monde des affaires et l’administration fiscale en RD Congo. Mi-avril, Orgaman, le groupe agroalimentaire détenu par la famille belge Damseaux et implanté dans le pays depuis 1931, a annoncé l’arrêt de ses activités d’importation et de vente de produits frais congelés (poissons, volaille, etc.), via la liquidation de ses filiales spécialisées Transmac et Mampeza.

Pour expliquer cette mesure radicale qui met plusieurs centaines de salariés au chômage, le groupe a déclaré que cette activité était confrontée à une perte de rentabilité en raison de la fiscalité en vigueur en RD Congo. Contacté par Jeune Afrique, Jean-Claude Damseaux, le directeur général du groupe Orgaman (dont le chiffre d’affaires annuel global est de 100 millions d’euros environ) et son équipe n’ont pas souhaité en dire davantage.

Le taux global d’imposition est passé de 339,1 % en 2011 à 118,1 % en 2012. 

Réforme

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Auparavant, en juillet 2012, c’est British American Tobacco qui a stoppé sa production en RD Congo en invoquant « des divergences » entre sa filiale locale et l’administration des douanes et des accises. Comme Orgaman, le britannique n’a pas donné plus de détails. D’après nos informations, le cigarettier avait fait l’objet d’un sévère redressement d’environ 430 millions de dollars (350,3 millions d’euros).

Un montant jugé excessif par le groupe qui, tout en restant commercialement présent dans le pays, a décidé de transférer sa production congolaise au Kenya. Albert Yuma – qui n’a pas souhaité répondre à nos questions -, fraîchement réélu à la tête du patronat congolais, la Fédération des entreprises du Congo (FEC), est monté au créneau pour dénoncer ce qu’il considère comme un acharnement des services des impôts et des douanes vis-à-vis des entreprises.

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Pourtant, décidées à rendre l’environnement des affaires plus attrayant, les autorités congolaises ont engagé début 2012 une réforme visant à alléger la pression fiscale sur les entreprises. La taxe sur les ventes qui prévalait jusqu’ici et qui était appliquée sur le chiffre d’affaires des entreprises a ainsi été supprimée. Jugé contre-productif car prélevé en cascade (c’est-à-dire en plusieurs fois aux différents stades du circuit économique), cet impôt est remplacé par la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Applaudie par les institutions internationales, la mesure a permis selon le rapport Paying Taxes 2014 du cabinet PricewaterCoopers (PwC), publié fin 2013, de ramener le taux global d’imposition des entreprises en RD Congo de 339,1 % à 118,1 % de leurs profits. Un niveau qui reste malgré tout parmi les plus élevés du continent et même du monde.

Compétition

Par ailleurs, dans une note récente, l’agence de notation américaine Moody’s a qualifié l’instauration de la TVA de réussite car elle a permis à l’État d’augmenter ses recettes. De 4,7 % en 2003, ces dernières ont représenté près de 14,4 % du PIB congolais fin 2012. Et la taxe sur la valeur ajoutée a constitué près de 50 % de l’impôt indirect collecté en 2013.

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Selon un banquier de la place kinoise, « si la réforme fiscale donne de bons résultats macroéconomiques, ce sont toujours les mêmes qui sont ponctionnés, et souvent à travers des redressements abusifs : les administrations ne sont pas informatisées, et tous les contribuables ne sont pas identifiés ». Un avocat d’affaires ajoute : « Il y a une sorte de compétition malsaine [en RD Congo] entre différentes administrations qui ne se gênent pas pour prélever les mêmes impôts et les mêmes redevances, rendant excessivement élevés les coûts de production des entreprises. »

Tout en acceptant la critique, un conseiller du Premier ministre explique : « Nos travaux visent justement à élargir l’assiette fiscale de manière à rendre les impôts plus justes et équitables. Une réforme n’est jamais maîtrisée dès sa mise en place. Il y a toujours des ajustements à apporter. Le gouvernement y travaille avec l’appui de partenaires internationaux tels que le FMI. » À suivre donc…

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