Belgique : chronique d’une mort annoncée

L’inimitié entre Wallons et Flamands ayant atteint le point de non-retour, l’éclatement du royaume est inéluctable, estime l’essayiste José-Alain Fralon.

Publié le 7 avril 2009 Lecture : 3 minutes.

Amoureux depuis toujours de la Belgique, devenue presque son pays d’adoption, José-Alain Fralon, qui fut longtemps le correspondant du quotidien français Le Monde à Bruxelles, a déjà consacré plusieurs ouvrages au plat pays de Jacques Brel, du roi Léopold et d’Eddy Merckx. Il n’est donc pas suspect de souhaiter la mort de cette nation vieille de 179 ans. Mais chaque crise politique, chaque campagne électorale – celle pour les prochaines législatives, en juin, ne fera certes pas exception – remettant sur le devant de la scène les sempiternelles querelles entre des Flamands indépendantistes revanchards et des francophones longtemps privilégiés, il est convaincu que le conflit intercommunautaire a désormais atteint un point de non-retour. 

Jeune Afrique : L’éclatement de la Belgique est-il inéluc­table ?

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JOSÉ-ALAIN FRALON : Oui. Ce que j’ignore, c’est la manière dont il se produira. Il y a plusieurs hypothèses. Certains estiment que la Belgique va s’évaporer comme la mer d’Aral, perdant petit à petit toute substance. D’autres, qu’elle va exploser tout d’un coup. Mais l’Histoire réserve toujours des surprises… Ce qui est sûr, c’est que l’indépendance de la Flandre sera proclamée. Ce serait déjà le cas s’il n’y avait le problème de Bruxelles. Le nationalisme flamand ne coïncide plus du tout avec le nationalisme belge. Tout, des résultats des sondages à ceux des élections, en passant par les déclarations des leaders flamands, montre qu’on est allé tellement loin sur la voie de la revendication de l’indépendance que l’évolution est irréversible. Je crois pouvoir affirmer que la Belgique ne fêtera pas son bicentenaire, en 2030. C’est un maximum, bien sûr. 

À quoi ressemblera cette future ­Belgique éclatée ?

Une fois considérée comme acquise l’indépendance de la Flandre, qui, malgré la géographie, ne pourra pas absorber Bruxelles, très majoritairement francophone, il y a trois scénarios possibles.

1. Bruxelles devient une sorte de ville-État, un Washington DC capitale de l’Europe, laissant le pays éclaté en trois morceaux.

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2. L’ensemble Wallonie-Bruxelles rejoint la France, comme le réclament ceux qu’on appelle les « rattachistes ». Mais pourquoi ce lien déjà très fort aurait-il besoin d’être formalisé ?

3. Une fois les Flamands partis, un État francophone comprenant la Wallonie et Bruxelles est constitué. Ainsi, la Belgique reste la Belgique, avec son roi et ses institutions, ce qui permet de faire l’économie d’une crise internationale complexe. Cette hypothèse me paraît la plus vraisemblable.

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Quant à la Flandre, on peut imaginer qu’elle finira, un jour ou l’autre, par se fondre dans un ensemble néerlandophone avec les Pays-Bas. Après avoir subi – et mal supporté – la domination francophone, les Flamands sont peut-être condamnés à subir celle des néerlandophones. On n’a pas assez remarqué que, depuis peu, les Pays-Bas ne sont plus majoritairement protestants, mais catholiques, comme la Flandre. Ce qui poussera au rapprochement, autrefois difficile. 

Qu’est-ce que cet éclatement changerait aux rapports avec l’Afrique, notamment la RD Congo ?

Cela simplifierait ces rapports. Car, aujourd’hui, la diplomatie belge perd énormément de sa force en raison de l’attention différente que Flamands et Wallons portent aux diverses régions du monde – et en particulier à l’Afrique. C’est flagrant dans le cas de l’aide. Pour les Flamands, l’Afrique et le Congo ne sont pas une priorité naturelle. Ils ont une vision des rapports avec le Sud de type « scandinave », avec notamment une importance plus grande accordée aux droits de l’homme. La colonisation fut une affaire essentiellement francophone. Les Flamands ont forcément de l’Afrique une vision plus distanciée. 

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