Privatisations : la grande panne

Le bras de fer avec Maroc Télécom pour la Sotelma met en lumière les nombreux revers subis par l’ambitieux programme lancé il y a dix ans.

Publié le 29 avril 2009 Lecture : 3 minutes.

C’est confirmé. Les négociations autour de la Société des télécommunications du Mali (Sotelma) ont échoué, le 13 avril à Bamako. Une surprise à la hauteur de l’enjeu : Maroc Télécom était devenu adjudicataire provisoire de la Sotelma le 28 février, après avoir proposé 250 millions d’euros pour 51 % du capital. Insuffisant, a répondu en substance le gouvernement malien, qui a demandé à l’opérateur de revoir sa copie. Lequel aurait proposé 30 millions d’euros supplémentaires, mais à des conditions considérées comme inacceptables. « Les contreparties demandées s’élevaient à trois fois ce montant », explique Diarra Mariam Flantié Diallo, ministre malienne de la Communication et des Nouvelles Technologies.

« En allant à la confrontation avec Maroc Télécom, le gouvernement cherche à faire revenir dans la course des opérateurs ayant de grosses réserves de cash, comme le koweïtien Zain – qui s’était retiré du processus au motif que les comptes de la Sotelma manquaient de transparence – ou encore le sud-africain MTN, qui n’a pas participé à l’appel d’offres », explique à Bamako un proche du dossier sous le couvert de l’anonymat. Certes, mais ces subtiles manœuvres qui visent à faire monter les enchères repoussent de plusieurs mois une privatisation attendue depuis plus de dix ans. Et ce n’est pas la seule. 

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LA CMDT ATTEND DEPUIS 1999

L’ouverture du capital de la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT) traîne aussi en longueur. Programmée en 1999, elle a été repoussée à 2005, puis à 2008. Une énième révision de l’échéancier, en cours de validation par le gouvernement, fixe à juillet 2010 l’entrée en fonctions des nouveaux repreneurs, pour un appel d’offres lancé avant la fin de 2009. Mais rien n’est sûr. « Les éventuels partenaires, européens, chinois ou sud-africains ne se bousculent pas à cause de la chute des cours du coton sur le marché mondial », avoue Tiéna Coulibaly, PDG de la CMDT. D’autant moins que la faiblesse du dollar par rapport à l’euro alourdit encore le déficit de la compagnie. Estimé à 19 milliards de F CFA en 2008 (29 millions d’euros), il a pour conséquence des retards de paiement aux producteurs, qui sont démobilisés. Les surfaces cultivées diminuent et la production s’effondre. Elle est à son plus bas niveau depuis vingt ans, à 200 000 tonnes en 2009, contre 500 000 tonnes en 2006…

Un dossier d’autant plus délicat que la filière coton emploie près de 4 millions de Maliens (près de 30 % de la population). Dès sa première élection, en 2002, le président Amadou Toumani Touré a obtenu l’appui des bailleurs de fonds pour restructurer le secteur avant privatisation. Lente à démarrer, la coopération s’accélère enfin. Le 10 avril dernier, l’Agence française de développement (AFD) a alloué 7,2 milliards de F CFA au Projet d’appui à l’amélioration de la gouvernance de la filière coton. Et un plan de mesures plus vaste est actuellement en cours de discussion, pour un montant total de 42 milliards de F CFA. Les bailleurs de fonds n’ont visiblement pas envie de reproduire les circonstances d’un échec aussi cuisant que celui de la privatisation des Huileries cotonnières du Mali (Huicoma), premier pan de la CMDT cédé au privé, racheté en 2005 par l’homme d’affaires malien Aliou Tomota. 

1 200 SUPPRESSIONS D’EMPLOI

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« Nous avons payé 9 milliards de F CFA pour une entreprise dont le déficit s’élevait en théorie à 3 milliards en 2003, au moment où sa privatisation a été décidée. Mais en faisant l’audit, en 2006, nous nous sommes aperçus que le déficit cumulé était de 23 milliards de F CFA ! » confie-t-il. Conséquence : 1 200 suppressions d’emploi et un déficit qui atteint désormais près de 40 milliards de F CFA. Mais le désastre ne s’arrête pas là. Depuis 2006, environ 200 licences ont été accordées par l’État aux huileries traditionnelles dans le cadre de l’ouverture du marché. Conséquence, Huicoma ne reçoit plus qu’une faible proportion de la production nationale de graines de coton – moins de 30 % – alors qu’il en faudrait 75 % pour relancer ses trois usines, presque toutes au point mort. Grâce à des subventions publiques, la société espère cependant créer 800 emplois en 2009 dans le domaine de la culture d’oléagineux comme le tournesol, les arachides ou le sésame… « Ce n’est qu’un palliatif, relativise Aliou Tomota. Tant que l’État ne se penchera pas sérieusement sur le dossier du déficit de Huicoma, rien ne sera résolu. » Manière de dire qu’un État qui ne prépare pas suffisamment ses privatisations doit accepter, en cas d’échec, de payer les pots cassés.

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