Les espoirs de la Goana
Contrecoup de la politique qui a privilégié l’essor des agglomérations, les campagnes sont dans une situation difficile, et le pays importe 80 % de son riz. La Grande Offensive agricole pour la nourriture et l’abondance lancée en 2008 peut-elle changer la donne ?
Où va le Sénégal ?
Le fossé est énorme… Sur 500 000 hectares de terres irrigables – dont 240 000 hectares dans la vallée du fleuve Sénégal –, le pays de la Teranga (« hospitalité », en wolof) n’en exploite qu’environ 60 000 pour la culture du riz. Un paradoxe, étant donné que le plat national, le thiep bou dien, est cuisiné à base de riz. La consommation est ainsi estimée à 800 000 tonnes par an, alors que la production locale oscille entre 150 000 tonnes, voire 200 000 tonnes.
« Avec un tel potentiel, si l’État nous soutenait davantage, le Sénégal pourrait régler en grande partie la question de l’autosuffisance en riz », remarque Saliou Sarr, coordonnateur au Sénégal du Réseau des organisations paysannes et des producteurs de l’Afrique de l’Ouest (Roppa). Et de conclure que, « sous l’effet des importations asiatiques en constante augmentation ces dernières années, le prix d’achat aux producteurs locaux n’a cessé de baisser, mais les prix de vente aux consommateurs ont continué d’augmenter. Seuls les importateurs en ont profité… » Avec, en point d’orgue, la crise alimentaire en 2007 et 2008.
Devant la grogne des populations, le gouvernement, sur le pied de guerre, a négocié avec l’Inde des approvisionnements exceptionnels, tandis que l’État a opté pour les subventions. « Dans les secteurs alimentaire et énergétique, elles ont coûté 172 milliards de F CFA entre juin 2007 et août 2008, sur un budget 2008 avoisinant les 1 600 milliards de F CFA [262,2 millions d’euros] en 2008 », explique un proche du dossier. Au total, depuis 2006, les subventions se sont élevées à 234 milliards de F CFA. Le Fonds monétaire international (FMI) a alors tiré la sonnette d’alarme, estimant que l’État sénégalais vivait au-dessus de ses moyens. Dakar a fait machine arrière, revenant à la vérité des prix pour « stopper l’hémorragie », admet un haut fonctionnaire. Il en est donc fini des artifices budgétaires.
Le chef de l’État préfère alors s’attaquer à la source du problème et lance en avril 2008 la Grande Offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana). L’objectif se veut ambitieux – attribuer des terres et fournir des équipements pour parvenir à l’autosuffisance alimentaire – et l’enveloppe est alléchante : plus de 344 milliards de F CFA. Quelques initiatives sont prises çà et là pour relayer localement ce plan national, mais, pour l’heure, les effets sont encore minces. Pourtant, les défis sont immenses.
Le secteur agricole représente 15 % du PIB et occupe 70 % de la population. Depuis 2005, la production de la plupart des cultures vivrières diminue, pour des raisons bien connues : difficultés financières de certaines filières, notamment en raison de la baisse des prix, insuffisances dans l’approvisionnement en engrais et pénurie d’investissements pour mécaniser les exploitations familiales aux rendements très faibles. Par exemple : en raison du climat sahélien et faute d’installations hydrauliques, les récoltes dépendent à 95 % des précipitations.
Cela ne peut plus durer. Le défi démographique, conjugué à l’augmentation des populations urbaines, place les campagnes dans l’obligation d’augmenter leur productivité. Après avoir misé sur les infrastructures de la capitale, les autorités en ont pris conscience. Aux paysans de passer à la vitesse supérieure.
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