Le grand jeu

Chinois et Occidentaux se livrent une bataille économique sans merci sur le continent. Mais ils commencent à travailler ensemble, notamment sur les questions de sécurité.

Christophe Boisbouvier

Publié le 9 juin 2009 Lecture : 3 minutes.

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La méthode chinoise

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Pour les Européens, la concurrence est rude. La mobylette chinoise ? Elle coûte deux fois moins cher que la Peugeot. Le BTP chinois ? Au Sénégal, le groupement d’entreprises JLS-Henan Chine l’a emporté sur Fougerolle avec un devis inférieur de 35 % pour l’autoroute à Dakar… Dans le secteur du béton, la Chine est imbattable grâce à sa main-d’œuvre bon marché. Restent la technologie, l’ingénierie et le secteur minier. Au Niger, Areva a réussi à décrocher le permis d’Imouraren. Mais pour battre son rival chinois, la compagnie française a dû augmenter de 50 % son prix d’achat de la livre d’uranium… Les Nigériens applaudissent ! Au Gabon, le président Omar Bongo Ondimba a bien essayé, lui aussi, de faire monter les enchères sur le gisement de Belinga. Mais aucune société européenne n’était intéressée. Un jour, l’air dépité, il a lancé à l’un de ses visiteurs français : « Mon fer, si vous n’en voulez pas, je vais le donner aux Chinois ! » C’est chose faite avec la Compagnie minière de Belinga (Comibel).

Depuis trois ans, la Chine a gagné 12 % de parts de marché en Afrique, alors que la France a perdu 1,5 point et le Royaume-Uni 1 point. La force des Chinois ? De gros volumes d’investissements, un décaissement rapide et pas de conditionnalité. « Regardez le Congo-Kinshasa, dit un haut fonctionnaire européen. Joseph Kabila a besoin de construire des routes et des voies ferrées avant la présidentielle de 2011. La Banque mondiale met une éternité à décaisser de l’argent. En revanche, les Chinois lui prêtent tout de suite 9 milliards de dollars en échange de concessions minières. Comment peut-il refuser ça ? »

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La méthode chinoise fait bondir les Européens. « En 2005, nous avons annulé la dette de quarante-deux pays pauvres. Or aujourd’hui la Chine profite de la nouvelle capacité d’endettement de ces pays pour leur accorder d’énormes prêts à taux élevés. Pékin se comporte comme un passager clandestin dans notre train d’apurement de la dette ! » lance joliment un décideur français. En mars, lors d’un discours devant les députés du Congo-Brazzaville, Nicolas Sarkozy a été à peine plus diplomate : « J’ai bien l’intention de poser la question de la dette africaine pour peu, mes chers amis, que vous acceptiez la cohérence qui voudrait que, si nous annulons votre dette, il ne faut pas alors que vous vous rendettiez avec d’autres ! »

Ces critiques, les Chinois paraissent s’en moquer. Au grand dam des Européens, ils continuent de coopérer avec les régimes les plus répressifs ou les moins transparents. Et ceux-ci apprécient. « Au moins, avec la Chine, on n’a pas de chantage aux droits de l’homme », confie un chef d’État d’Afrique centrale. Mais quelquefois, cette politique « zéro scrupules » coûte cher. En avril 2008, l’affaire du bateau d’armes chinoises pour le Zimbabwe (via Durban) a choqué l’opinion sud-africaine. Au même moment, les massacres au Darfour ont provoqué une campagne contre les Jeux olympiques de Pékin. Depuis deux ans, le régime de Hu Jintao essaie de retenir la main belliqueuse d’Omar el-Béchir. En février 2008, l’ambassade de Chine à N’Djamena s’est retrouvée sous le feu de rebelles tchadiens équipés… d’armes chinoises fabriquées au Soudan. Évacuation express par l’armée française. Les Chinois ont de gros intérêts dans le pétrole tchadien. Une guerre entre deux pays amis, ce n’est pas bon pour les affaires…

« Pour l’instant, les Chinois font cavalier seul en Afrique, mais ils sont comme nous. Ils ont besoin de stabilité, glisse un décideur français. D’autant qu’ils sont de plus en plus nombreux. Entre 800 000 et 1,2 million. » Du coup, les rencontres se multiplient entre diplomates de Pékin, Paris et Londres. Cette année, pour la première fois depuis cinq siècles, la marine chinoise s’est aventurée dans le golfe d’Aden pour lutter contre la piraterie aux côtés des Européens. « Si demain les Chinois veulent nous aider contre les bandits du delta du Niger et les islamistes du Sahara, ils seront les bienvenus. »

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