Musique : du neuf avec du Vieux
Fils d’Ali Farka Touré, Vieux s’inspire du blues de son père pour mieux s’en détacher. Et flirte habilement avec le rock et le reggae dans son nouvel album, Fondo.
Le Mali musical est une grande famille, comme l’est celle des griots. Il est d’ailleurs fréquent que les deux se confondent, alimentant le terreau fertile de la créativité dans ce pays où le blues est aussi célèbre que la mosquée de Djingareyber, à Tombouctou. Un blues rugueux, ancestral, lancinant, qui s’étire à l’infini, et dont la pureté s’impose comme une évidence à l’écoute de Fondo (Six Degrees Records/Universal Music), le dernier album du Malien Brahima Ali Vieux Farka Touré, sorti en France le 28 septembre.
Ce guitariste-chanteur ne ressemble en rien à son prénom. Comme dans la plus pure tradition américaine, Ali Farka Touré Jr aurait mieux collé à sa personnalité. Mais ses parents en ont décidé autrement. Les géniteurs de Vieux, parlons-en. Du père surtout. Bluesman légendaire gratifié de deux Grammy Awards, Ali Farka Touré, décédé en 2006, a légué à son fils un son, une patte, un sens du rythme.
Tout l’art de Vieux est de s’en inspirer pour mieux s’en détacher. « Je fais la musique à partir de son feeling, explique-t-il, mais j’essaie aussi de m’en éloigner en incorporant du reggae ou du rock. » Sur Fondo, l’enfant de Niafunké, berceau des Touré à 200 km au sud de Tombouctou, continue de forger sa personnalité, balançant entre modernité et respect des canons de la musique mandingue. Ce second album respire la joie de l’improvisation. La communion entre musiciens lui confère presque la dimension du live.
Sur les onze titres enregistrés en cinq jours à San Francisco, on retrouve de grandes figures, parmi lesquelles Toumani Diabaté, complice du père et père spirituel du fils. « Il est la mémoire vivante de notre patrimoine musical. Il accompagne obligatoirement toutes mes créations », souligne Vieux. Déjà présent sur le premier album, sorti en 2007, le maître koriste veille aux arrangements, à la beauté des compositions et à l’équilibre des sonorités. Il gratifie également Fondo d’un majestueux « Paradise » enregistré en une seule prise.
Puissant et suave
Entre les distorsions de « Samba Samba », la saturation de « Slow Jam » ou la lenteur de « Diaraby Magni », l’étendue musicale de Vieux, qui s’apprête à débuter sa tournée européenne après avoir terminé celle aux États-Unis, est là, à la fois puissante et suave. Quant aux projets, un troisième opus déjà enregistré est attendu pour le premier semestre de 2010. Vieux souhaite également créer un concept d’album où se retrouveraient tous les grands noms de la musique africaine.
Pour ceux qui ne sont pas convaincus par la musique mandingue – ses lancinances, les voix aiguës et criardes des chœurs, ses chorus de guitare sur deux accords ou ses riffs coup de poings, ce disque ne s’impose pas. Après les exploits du koriste Toumani Diabaté, la voix acidulée d’Oumou Sangaré ou celles d’Amadou et Mariam, il leur donnera même une sensation de déjà-vu. Pour les autres, pétris sous le soleil de Mopti et le ballet incessant des femmes sur le fleuve Niger, lavandières des temps modernes, Fondo se présente dans leur discothèque comme le témoignage d’une osmose parfaite entre jeunes et vieilles générations.
Vieux Farka Touré se produira le 17 novembre à la Boule Noire, à Paris.
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