Le viol, arme de destruction massive
International Herald Tribune Quotidien, Paris, France
On ne connaît pas le nombre exact de femmes violées. À cause de la honte qui accompagne les violences sexuelles en Guinée, les victimes n’aiment pas évoquer ce qui leur est arrivé, et les médecins se refusent à donner des informations. Celles qui acceptent de parler veulent rester anonymes, de peur de représailles.
Mais les témoins sont catégoriques. « Je peux vous affirmer, sans aucun doute, que des femmes ont été violées. Pas une, mais plusieurs femmes. J’ai été un témoin direct », explique l’opposant Mouctar Diallo, lui-même sévèrement battu par les militaires.
Sur une des photos prises avec des téléphones portables et qui circulent à Conakry, on voit une femme nue allongée dans la boue, les jambes en l’air, et un homme, en treillis, face à elle. Sur une autre image, un soldat, portant un béret rouge, déshabille une femme, totalement désemparée, à moitié couchée dans la boue. Une autre photo montre une femme à moitié nue, essayant de remettre son pantalon.
« On n’imaginait pas que les soldats allaient s’attaquer à nous », explique une victime. Elle s’exprime avec lenteur, assise sur un lit dans une pièce sombre, entourée de deux autres femmes, qui elles aussi disent avoir été molestées. « On a entendu des coups de feu, raconte-t-elle, j’ai essayé de m’enfuir. » La panique a envahi le stade. « C’était comme dans un poulailler », poursuit-elle. Elle s’est mise à courir, mais a été arrêtée dans sa fuite par un Béret rouge, « un membre de la garde présidentielle », précise-t-elle.
« Il m’a frappée et a déchiré mes habits. Puis il a mis ses mains à l’intérieur de moi. » Blessée d’un coup de crosse à la tête, la victime a ensuite dû aller à l’hôpital pour des points de suture. De larges zébrures marquent encore son dos, traces des coups qu’elle a reçus. « Nous sommes traumatisées », dit-elle à voix basse, en regardant ses pieds.
Mouctar Diallo affirme avoir vu au moins dix femmes être violées ce jour-là. « J’ai vu comment l’une d’entre elles a été mise nue. Ils ont déchiré ses habits. Ils se sont mis autour d’elle et l’ont obligé à se coucher et à lever les jambes. Puis un premier soldat s’est avancé. Ensuite, ils sont passés chacun leur tour. »
Plusieurs femmes, rencontrées dans la même villa d’une banlieue de Conakry, ont raconté les mêmes scènes. Déshabillées brutalement, battues, violentées, elles sont nombreuses à avoir été victimes des soldats.
Plus encore que les assassinats commis au stade du 28-Septembre, les violences faites aux femmes ont profondément choqué les Guinéens. Par le passé, le pouvoir a déjà sévèrement réprimé des manifestations, notamment en 2007, sous Lansana Conté, lors d’affrontements qui ont fait plusieurs morts. Jamais en revanche le viol, cette arme de guerre qui a été utilisée dans plusieurs conflits, n’avait été employé en Guinée.
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