Scandale au CIO : Ganga se rebiffe
« Je ne veux pas qu’on me regarde comme si j’étais une canaille lorsque je me présente à l’entrée d’un stade », s’insurge Jean-Claude Ganga. Dix ans après son exclusion du Comité international olympique (CIO) à la suite d’un énorme scandale de corruption qui a entaché l’attribution des Jeux d’hiver 2002 à la ville américaine de Salt Lake City, le Congolais n’a pas tourné la page.
À 76 ans, le vieil apparatchik du sport africain a décidé de se rappeler au bon souvenir de Jacques Rogge, le successeur de Juan Antonio Samaranch à la tête du CIO. Le 17 septembre 2009, il adresse une demande de médiation au patron de l’olympisme mondial. Ce dernier l’ayant rejetée le 28 septembre, Ganga annonce son intention de porter l’affaire devant le Tribunal arbitral du sport pour être « rétabli dans sa dignité ». Parallèlement, son avocat, le Camerounais Fabien Ndoumou, prépare une action en réparation – le préjudice qu’il estime avoir subi s’élève à plus de 1 million d’euros –, devant les tribunaux helvétiques ou, s’il y a lieu, américains.
Le très long silence que Ganga avait observé jusque-là semblait indiquer qu’il avait, sinon oublié, du moins surmonté son humiliante éviction du CIO, décidée le 17 mars 1999 lors d’une assemblée générale extraordinaire houleuse qui s’était tenue au château de Beaulieu, sur les hauteurs de Lausanne (Suisse).
Arrêt de mort
Ce jour-là, les membres du CIO adoptent des sanctions contre plusieurs de leurs pairs, accusés d’avoir accepté, contre toute éthique et en infraction avec la charte olympique, de l’argent et des cadeaux de la part du Comité d’organisation des jeux de Salt Lake City (Sloc) en échange de leur vote en faveur de la ville. Révélée par un journal américain, l’affaire éclabousse, outre Ganga, le Soudanais Zein el-Abdin Abdel Gadir, le Malien Lamine Keita et le Chilien Sergio Santander Fantini, qui seront eux aussi exclus du CIO. Le Libyen Bachir Mohamed Attarabulsi, le Kenyan Charles Nderitu Mukora, le Swazi David Sikhulumi Sibandze et la Finlandaise Pirjo Häggman choisissent, eux, de démissionner.
Ganga dénonce aussitôt le non-respect de ses droits à la défense et se plaint de n’avoir reçu qu’un questionnaire pour répondre aux accusations portées contre lui. « Je n’ai jamais été entendu par la commission d’éthique », répète-t-il. Son malheur, il l’attribue au Canadien Richard Pound, qui « est allé enquêter tout seul aux États-Unis et n’a rendu compte aux autres membres de la commission (Kéba Mbaye et Jacques Rogge) que par vidéoconférence ». Surtout, il dénonce le rôle de l’Olympic Partners (Programme des partenaires olympiques, TOP), le puissant lobby des sponsors, qui lui aurait fait payer sa trop grande curiosité. Car, à l’en croire, c’est son insistance à demander des explications sur les appels d’offres lancés par le CIO et toujours remportés par les mêmes entreprises qui aurait signé son « arrêt de mort ».
Le Congolais admet qu’en acceptant les « largesses » du Sloc, il a prêté le flanc. Mais, fort de sa proximité avec Juan Antonio Samaranch, il croit jusqu’à la veille de son éviction qu’il sauvera son siège. Erreur ! Le vieil Espagnol roué refuse de le recevoir. Il a d’autres priorités en tête : alors que, de toutes parts, on dénonce le « système Samaranch », il est urgent de refaire une virginité à l’entreprise multimilliardaire qu’est devenu l’olympisme mondial. Il faut sauver l’édifice qui se fissure, quitte à lâcher quelques vieux compagnons. Les jeux sont faits.
En 2001, Tom Welch et Dave Johnson, deux membres du Sloc que la justice américaine soupçonne d’avoir versé les pots-de-vin, bénéficient d’un non-lieu. Mais le verdict ne fait pas les gros titres de la presse : il survient au moment des attentats du 11 Septembre. « Peut-il y avoir corruption sans corrupteur ?, s’étrangle le banni, qui ronge son frein dans sa villa de Brazzaville. J’ai mis longtemps à réagir parce qu’il m’a fallu du temps pour accuser le coup. Maintenant, je suis prêt à aller jusqu’au bout pour laver mon honneur. »
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